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  • Dédale, ou le mécanicien.

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    d'après François Bacon Verulam

    Les anciens ont voulu représenter sous le personnage de Dédale, homme à la vérité très ingénieux et très inventif, mais dont la mémoire doit être en exécration, la science, l’intelligence et l’industrie des mécaniciens, des artistes ou des artisans, mais appliqué à de criminels usages ; en un mot, l’abus qu’on peut en faire, et même qu’on en fait que trop souvent. Ce Dédale, après avoir tué son condisciple et son émule, ayant été obligé de s’expatrier, ne laissa pas de trouver grâce devant les rois des autres pays et d’être traité honorablement dans les villes qui donnèrent asile. Il inventa et exécuta une infinité d’ouvrages mémorables, soit en l’honneur des dieux, soit pour la décoration des villes et des lieux publics ; mais cette grande réputation qu’il avait acquise, il la devait moins à ces ouvrages estimables qu’au criminel emploi qu’il avait fait de ses talents ; car ce fut sa détestable industrie qui mit Pasiphaé à portée d’avoir un commerce charnel avec un taureau ; et ce fut à son pernicieux génie que le Minotaure, qui dévora tant d’enfants de condition libre, dut son infâme et funeste origine. Puis ce mécanicien, ne réparant un mal que par un mal plus grand, et entassant crime sur crime, imagina et exécuta le fameux labyrinthe pour la sûreté de ce monstre. Par la suite, Dédale n’ayant pas voulu devoir sa réputation uniquement à des inventions et des ouvrages nuisibles (en un mot ayant voulu fournir lui-même des remèdes au mal qu’il avait fait, comme il avait précédemment fourni des instruments au crime), ce fut encore à lui qu’on dut l’ingénieuse idée de ce fil à l’aide duquel on pouvait suivre tous les détours du labyrinthe et le parcourir en entier sans s’y perdre. La justice de Minos s’attacha longtemps à poursuivre ce Dédale avec autant de diligence que de sévérité ; mais toutes ces perquisitions furent inutiles ; le mécanicien trouva toujours des asiles et échappa à toutes les poursuites de ce juge inexorable. Enfin, lorsque Dédale voulut apprendre à son fils* l’art de traverser les airs en volant, celui-ci, quoique novice dans cet art, s’éleva trop haut et fut précipité dans la mer.

     

    Voici quel parait être le sens de cette parabole ; elle commence par une observation très judicieuse sur cette honteuse passion qu’on voit souvent régner entre les artistes distingués par leur talents et qui les domine à un point étonnant ; car il n’est point de jalousie plus âpre et plus meurtrière que celle des hommes de cette classe ; observation suivie d’une autre destinée à montrer combien cette punition de l’exil, infligée à Dédale, était peu avisée et mal choisie. En effet les artistes, les artisans et les gens de lettres distingués sont accueillis honorablement chez presque toutes les nations, en sorte que l’exil est rarement pour eux un véritable châtiment ; car les hommes des autres professions ou conditions ne tirent pas aussi aisément pati de leurs talents hors de leur patrie, tandis que l’admiration qu’excitent les hommes de talent et leur renommée se propage et s’accroît plus facilement en pays étrangers, la plupart des hommes étant naturellement portés à donner la préférence aux étrangers sur leur concitoyens relativement aux ouvrages et aux productions de ce genre.

     

    Ce que cette fable dit ensuite des avantages et des inconvénients des arts mécaniques est incontestable. En effet, la vie humaine leur doit presque tout. Elle leur doit tout ce qui peut contribuer à rendre la religion plus auguste, à donner au gouvernement plus de majesté et à nous procurer le nécessaire, l’utile ou l’agréable. Car c’est de leurs trésors que nous tirons tout ou presque pour satisfaire nos vrais et nos faux besoins. Cependant, c’est de la même source que dérivent les instruments de mort. Car sans parler de l’art des courtisanes et de tous ces arts corrupteurs qui leur fournissent des armes, nous voyons assez bien combien les poisons subtils, les machines de guerre et autres fléaux de ce genre ( que nous devons au génie inventif des mécaniciens et autres physiciens), l’emportent par leurs effets meurtriers sur l’affreux Minotaure.

    Le labyrinthe est un emblème très ingénieux de la nature de la mécanique prise en général. En effet, les inventions et les constructions les plus ingénieuses de cette sorte peuvent être regardées comme autant de labyrinthes, vu la délicatesse, la multitude, le grand nombre, la complication et l’apparente ressemblance de leurs parties, dont le jugement le plus subtil et l’œil le plus attentif ont peine à saisir les différences. Assemblages où, sans le fil de l’expérience, on court le risque de se perdre. C’est avec autant de justesse et de convenance qu’on ajoute dans cette fable que ce fut le même homme qui imagina tous les détours du labyrinthe et qui donna l’idée de ce fil à l’aide duquel on pouvait le parcourir sans s’y perdre. Car les arts mécaniques ayant leurs inconvénients ainsi que leurs avantages sont comme autant d’épées à deux tranchants qui servent tantôt à faire le mal, tantôt à y remédier. Et le mal qu’ils font parfois balance tellement le bien qu’ils peuvent faire que leur utilité semble se réduire à rien. Les productions nuisibles des arts et les arts eux-mêmes, lorsqu’ils sont pernicieux de nature sont exposés aux poursuites de Minos, c’est-à-dire à l’animadversion ( la répulsion) des lois qui les condamnent, les punissent et les interdisent au peuple. Cependant, en dépit de toute la vigilance du gouvernement, ils trouvent toujours moyen de se cacher et de se fixer dans les lieux mêmes d’où l’on veut les bannir. Ils trouvent partout une retraite et un asile. C’est ce que Tacite lui-même observe très judicieusement sur un sujet très analogue à celui-ci, je veux dire sur les mathématiciens et les tireurs d’horoscopes : « classe d’hommes, dit-il, qu’on voudra sans cesse chasser de notre ville et qui y restera toujours. »

    Cependant les arts néfastes ou frivoles de toutes espèces, qui font toujours de magnifiques promesses, ne tenant presque jamais parole, se discréditent tôt ou tard, en conséquence de leur étalage même. Et, s’il faut dire la vérité tout entière à ce sujet, le frein des lois serait toujours insuffisant pour les réprimer, si la vanité même de ces charlatans ne désabusait tôt ou tard l’homme du commun auquel ils ont d’abord fait illusion. 

     

    * ce fils n’est autre que Icare.

  • Sans titre...

     

    « C'est sans doute un terrible avantage de n'avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser. »
    Rivarol

     

    J'atteins à l'âge où je n'envisage pas de carrière littéraire. Ceux d'entre vous qui savent lire pigeront d'emblée que c'est une grosse galéjade. Pourtant, mis à part peut-être un certain confort matériel, dont je suis loin de disposer au regard des critères les plus répandus, essentiellement féminin par ailleurs, (eau courante, douche avec mélangeur, l'évier, les toilettes parfumées etc. pourtant la cabane au fond du jardin quelle poésie ! ) bref, à l'exception de quelques maigres avantages d'aisance qu'il pourrait m'en échoir, je vois pas comment je pourrais supporter la nuisance élogieuse, en un mot la publicité, faite autour de ma modeste personne. (je ne parle pas de mon travail qui est pour ainsi dire consubstantiel de ma personne) Nuisance inévitable de nos jours, et que tout le monde connait parfaitement en s'imaginant à tort que c'est agréable alors que de l'aveu même des intéressés, quand ils ne sont pas idiots, c'est un chemin de croix permanent. Ce que tout un chacun croit envier n'est en fait qu'une condition complètement inhumaine, dans tous les sens du mot, une condition de demi-dieu et de demi-esclave. Une condition semi-aristocratique. Mais rien à voir avec l'autre aristocratie qui était quand même toute de probité et d'excellence catholique, quand elle ne faillait pas à l'être. Aujourd'hui cette aristocrate qu'est l'artiste est un esclave rampant. C'est fiente à pingouins et compagnie, perclus de suffisance insoutenable, un ramassis d'ancien pauvres devenus par la magie de l'imprimerie ou la grâce d'une caméra enregistreuse d'image et un vulgaire câble des sortes de derniers hommes nitchéens surpayés surglorifiés, sursucés, baudruches surgonflées complètement ravagés par leur vanité de grenouille abjectes et bovine auxquels il doit falloir botter le cul à longueur de temps comme à des veaux pour qu'ils arrivent à répéter tous, inlassablement, le même discours de gagnant du loto.

     

    J'ai jamais aimé le loto. Depuis l'âge de douze ans, mettons quinze, je trouve ce procédé immonde. Autant je peux comprendre que ça tombe par la grâce de Dieu car alors comme le dit St Paul, je sais plus trop où, que c'est un miroir que nous propose Dieu. Comprendre qu'il s'agit de voir l'inverse de ce qui est ; qu'on donne quand on croit prendre ; qu'il nous est retranché quand on croit recevoir, etc. le cerveau gauche ne fait-il pas travailler la main droite ? et quand je vous regarde mon œil droit n'est-il pas en face de votre œil gauche ?

    Or donc, je suis enclin à croire qu'il n'y a pas de hasard et que ce qui nous arrive en bien comme en mal est le fruit d'une volonté supérieure et miséricordieuse quoique intraitable. Ça peut paraitre en opposition mais un coup d'œil rapide montre qu'une  miséricorde qui ne serait pas fondée en intransigeance deviendrait rapidement  aussi peu efficace qu'une casserole à trou. Dans le meilleur des cas, une passoire à nouille. Cette croyance est d'ailleurs plus près du savoir que ne l'est le savoir qui ne croit pas. je sais que je crois quand le savant croit qu'il sait. Et le miroir de saint Paul de réfléchir encore. Pas besoin d'avoir fait science po pour comprendre ça.

     

    Certains riches toujours animés de l'envie de l'être peuvent-ils seulement comprendre les déboires  de ceux qui ont oublié, ou n'ont jamais su, ce que c'est que d'être pauvre. Pour ces riches-là le calvaire est permanent. Dieu l'a voulu ainsi. Quelles tristes fautes payent-ils ? la faute commune ? Balzac disait qu'à l'origine de toute fortune il y a un crime. Il ne plaisantait pas. Ceux que la fortune a choyés le découvrent tôt ou tard.

    Et je trouve qu'il a bien fait de le dire, même si c'est le génie de Dieu qui s'exprime en Honoré le bien nommé. J'aurais perdu un temps précieux dans ma quête du Graal si je n'avais pas saisi ça.  Car la richesse matérielle ou intellectuelle n'est en rien comparable à celle de l'esprit. Je connais un tas de gens intelligents qui n'ont pas le moindre esprit. A commencer par moi. Mais moi je ne suis pas très intelligent, ça laisse un peu de place pour l'esprit.

     

    Autant, donc, à la grâce de Dieu, autant je ne supporte pas l'idée de hasard, totalement absurde et injuste, inhumaine pour ainsi dire. Dieu fait parfaitement ce qu'il fait et si je dois n'offrir qu'à une seule âme une chance de salut, au vu de l'éternelle reconnaissance que ça me vaudra, je demeurerais, à mes yeux en tous cas, l'homme le plus riche du monde. Dussé-je pour cela entrer en lice comme on ne dit plus. Ça ne se fera donc pas du tout par hasard.

     

    La plupart du temps, je lis et écoute avec patience les gens d'esprit, avec bonheur et même parfois avec une peine immense quand ils atteignent au sublime, à savoir quand j'arrive à percevoir ce sublime. Joie aussi,  quand même !  gratitude, et même compassion voire douleur extrême devant leur sacrifice qui m'est alors aussi directement destiné. Mais devenir le berger à ces hauteurs-là est totalement hors de mon pouvoir. Je crois en concevoir tous les dangers et une certaine lâcheté me bride. La paresse héritée de ma mère peut-être. La concupiscence héritée de mon père ? (Combien de carrière artistique issues du détonnant, et si commun, mélange mère faignante et père frustré ?) la reconnaissance des pairs et les succès féminins sont les deux mamelles de la célébrité, et de la réussite bourgeoise en général. La vraie gloire, celle des saints, et occasionnellement  d'artistes profanes, peu nombreux, se nourrit à d'autres mamelles métaphysiques, plus immatérielles que l'intelligence et aussi réelles que peut l'être l'esprit. Naturellement, on comprend à proportion de l'effort entrepris pour s'en convaincre.

     

    Voilà pourquoi je n'envisage pas de carrière littéraire, en réponse à une question que je me suis posé dernièrement. Mais, je le répète, si Dieu me donne la grâce de me mettre, par le petit talent qu'il m'a donné, en position de sauver une âme, et une seule, de la merde éternelle qui l'attend, j'accepte volontiers de revoir ma décision.

     

    D'autre part, comme disait le madré Jules Renard, pondre une bonne page, c'est à la portée de n'importe qui, mais en écrire deux mille, c'est un travail de bœuf. Il ne connaissait pas encore les bienfaits du travail roboratif et hygiénique que représente la tenue d'un blog. Même les nazis, qui ne brillaient pourtant pas par la transcendance de leurs idées, avaient compris le merveilleux pouvoir de la gymnastique. Leur instrument de prédilection fut longtemps le cinéma, (dont la gymnastique, plus libidineuse, est cependant plus efficace en terme de propagande) avant de devenir la mort elle-même, instrument capital de persuasion, dont finalement tout le luthéranisme n'est qu'un simple exercice avant la composition finale, globale, totale et mondiale d'un immense camp d'entrainement à la mort. Et le spectre du capitalisme pour faire passer ça pour un progrès de l'humanité.

     

    Ha ! oui, c'est vrai,  je n'ai encore rien fait, confiteor, mais je n'ai donc pas contribué à faire raser des forêts comme certains gros mentons de la littérature. Et tout bien réfléchis, on en fait parfois plus en se retenant d'en faire trop.

    Est-ce abuser de croire qu'il me reste encore la liberté de choisir mon juge ?

     

    Après quoi, je fais ce que je peux, ce que je dois et ce qu'il m'est ordonné de faire.

    En vrai, je n'ai vraiment pas les moyens d'être incrédule.