Soyons juste, suis un piètre marxiste, un chrétien médiocre, un mauvais fils, mari, père, beau-frère, oncle, copain, cousin, voisin, suis pas fort en mathématiques des fluides et quasi nul en macro synergétique. Poète imbitable, romancier à la ramasse, prêcheur pathétique, lamentable soldat, musicien de pacotille, baiseur passable, collectionneur inacceptable, sans passions douteuses genre vélo, moto, auto, boulot, dodo, narco, alcoolo, musico, cinémo, mots, peau, flots, bateau, photo, bobo, piano, mollo, grosso, merdo, pédo, scato, raclo, barjot, toto, coco, chapeau, galop, négro, ha oui, j’ai un gros nez et les jambes trop courtes, ni trop propre ni très sale, de taille moyenne et d’une beauté improbable. Quelques finesses de traits et des proportions pas trop bâclées n’évitent pas une première impression défavorable. Mais ça ne tient pas la route, dieu merci… Le feu de mon regard efface vite l’impression générale et la puissance qui jaillit de mes yeux vulgairement bruns, noisettes en temps de paix, noirs dans l’ire, en ont cloué plus d’une au pilori de l’Enfer. Combien sont-elles à s’être damnées pour ce visage d’une laideur manquée, ce corps parfaitement imparfait, sous l’empire de ce regard qui dit toute la vérité, rien que la vérité-levez-la jambe droite et dites je jouis ? aucune idée ! Ai bien sûr été tenté très tôt de tenir une liste mais vite renoncé faute de critères acceptables pour m’appuyer la mémoire. Maudit sois-je à m’être donné au diable plus souvent qu’à mon tour et de l’avoir distrait avec mes tribulations.
Mais la pitié que je croyais m’accorder était celle de Dieu. Le glaive est à double tranchant ! Le nombre incalculable de zéro pointé ne m’a pas désespéré car tous ces domaines où mes piètres talents trouvent à s’exprimer, tout ça me remplit de gratitude et m’incite naturellement à la charité. Ce qui fait que mauvais en tout comme je le suis, je suis une vraie crème d’homme. 5:5 Heureux les débonnaires, car ils hériteront la terre!
Je me fous de la pitié de Satan, ma longue misère n’étant qu’un mirage, seule la pitié de Dieu qui m’a tant donné, l’air de rien, m’est importante. Si peu et cependant avec des possibilités innombrables, au prix d’un sacrifice immense.
Comme le dit si bien Shakespeare dans la bouche d’une femme, une fois n’est pas coutume : The quality of mercy is not strained, la pitié ne se commande pas, elle vient du Ciel et, comme une tendre pluie, arrose tout ce qui se trouve en dessous, It dropped as the gentle rain from heaven upon the place beneath, elle est doublement bienfaisante à celui qui l’accorde comme à celui qui la reçoit, it is twice blessed, it blesseth him that gives, and him that takes, elle est la puissance des puissances, mightiest in the mightiest.
Après ça, pour être tout à fait honnête, convenons qu’avec la seule justice, aucun d’entre nous nous ne connaitrait le salut. Dans la prière nous invoquons la pitié pour ceux qui nous ont offensés et pour nous-mêmes qui avons offensé. Ceci dit pour mitiger le bien-fondé de ma cause. Je ne peux quand même pas me montrer impitoyable avec moi-même ! D’ailleurs ma sainte famille s’en charge très bien pour moi! Je sais, ils ne savent pas ce qu’ils font…Mais doux Jésus, quelle pitié !