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D'une chimère l'autre.

D’une chimère l’autre.

 

Au risque de  paraitre léger, sachant comme il est dur de lever les yeux au ciel quand tant de dispositions nous incitent à les baisser, quand tant d’idées nous lacèrent l’intelligence comme les chats, nous laissant froids, des idées qui travaillent pour elles-mêmes et dorment le plus clair du temps, cultivant son petit rêve, que chacun sa petite notion derrière la tête, sa petite araignée au plafond, sa représentation en propre de la divinité de sa personne, oui, au risque de paraitre ridicule, j’avoue, je le confesse, j’ai jamais eu beaucoup d’esprit. Comme tout le monde j’ai souhaité en faire montre et secrètement envié les types supérieurs avant de comprendre que l’ignorance est loin d’en être le signe d’un manque ni le savoir son origine.

Ça rigole pas beaucoup dans la Bible, convenons-en, on y trouve pourtant un trait d’esprit fait par le Christ en personne. Le célèbre jeu de mot sur le nom de l’apôtre Pierre, appelé d’ailleurs Simon et que Jésus « rebaptise » et que sur cette Pierre il bâtira son Eglise (jeu de mot attesté en grec, bien qu’il y ait question sur la langue utilisée par Jésus, tout le monde étant alors plus ou moins polyglotte, tour de Babel oblige !). Il faut donc être un moine un peu borné et lâche ou extrêmement hypocrite visant l’évêché, la pompe, les ors du Vatican, pour ne pas entendre que cette Eglise ne peut être une institution architecturée, concrétisée. Bref, le Christ fait probablement de l’esprit, cette seule saillie, cette boutade, pas par hasard, loin s’en faut. On a beau être bien prévenu par l’Ancien et le Nouveau Testament contre le verbe humain, force est de constater qu’on a difficilement résisté au cours du temps au discours religieux visant à disculper la fondation, l’édification d’Eglises réelles et matérielles aussi spirituelles qu’un pet de nonne après sexte. Force aussi est d’admettre que ceux qui se sont élevés contre ces discours avaient au moins l’esprit de pas se situer à l’intérieur de ces Eglises. Dieu a d’ailleurs mis un point final à ces délires en révélant à Jean sur l’ile de Patmos que les sept Eglises d’orient étaient peu ou prou dans l’erreur et que la romaine était une prostituée, vêtue de pourpre et d'écarlate, et parée d'or, de pierres précieuses et de perles, tenant dans sa main une coupe d'or, remplie d'abominations et des impuretés de sa prostitution.  

Le peuple ignorant, dont je fais partie, est donc loin de manquer d’esprit quand il rejette pape et soupape de sécurité, car c’est bien dans un souci d’ordre social contraire à l’esprit chrétien que cette machine s’est construite. Quant au peuple savant et nanti, il ne fait que protéger ses privilèges de parvenu et tout le sel de ses discours ne sert qu’à en dissimuler la fadeur et l’amertume, voire l’acidité et la puanteur.

Le docteur Sigmund Fuck aurait eu l’inspiration de prescrire le suicide aux maux de ses patients qu’il les aurait pas mieux guéris de leur folie. Les cures de sommeil de la psychiatrie moderne sont d’ailleurs la traduction littérale de cet esprit assoupi et morbide que dénonce Shakespeare (bien avant le prophète boboche et son inconscient de pacotille) par la bouche d’Hamlet : mourir, dormir, rêver peut-être, là est l’obstacle ! Sommeil et folie sont aussi proches de la mort qu’on peut l’être et les rêves ne font que traduire la veulerie des rêveurs, leur fascination naturelle pour le repos éternel, là où tout est calme, luxe et volupté, le cimetière bien-aimé au sein duquel ils s’imaginent qu’ils n’auront plus à répondre de leur ignominie, leurs turpitudes, leurs défections, leurs désertions. Si les rêves ont une fonction, nous fait savoir Shakespeare en substance, c’est celle de nous prévenir contre la paresse de l’esprit qui nous éloigne de la vérité. Ils sont le miroir tendu à la flaccidité de notre conscience. Hamlet réfléchit pas, il pense et agit. Sa folie réfléchit celle des puissants qui l’entourent et cherchent à le tromper. Molière fait la même chose avec son théâtre où les marionnettes sont des femmes affectées, des bourgeois pondéreux, arides, atrabilaires, mesquins, des aristos cyniques, des cagots hypocrites, des malades imaginaires pris dans les rets de leurs rêves, possédés par leur fonction, leur office, leur ministère.

Tandis que Pénélope rêve sur son métier, Ulysse s’emploie à trucider du cyclope sur le chemin du retour. Au moins a-t-elle la sagesse de lui rester fidèle et de défaire la nuit ce qu’elle fait le jour. Précisément ce que font les rêves. 

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