J'ai une tante catholique, donc pratiquement honnie de ma famille d'impies modernes. Suis passé la voir l'automne dernier. Elle était pas en forme, elle se fait vieille, dans les 80 berges. Tout juste si elle a pensé à m'embrasser. M'a accordé cinq minutes, alors qu'on ne s'était vu ni contacté depuis des années. Elle sent venir la fin. M'a demandé ce que je devenais, si j'avais trouvé mon équilibre. C'est une manie dans ma famille de me croire déséquilibré. Parce que je n'ai pas suivi le modèle bourgeois en vigueur on me soupçonne de toutes les tares en vogue. Bref, je lui dis que oui et non, quelle importance mon équilibre, je me bats de toute façon sur deux fronts, le front divin pour être à la hauteur de l'amour de dieu et le front social contre la bête.
Ha ! qu'elle me fait, c'est justement sur ce dernier front que moi je me bats, pour aider socialement. Comme je n'ai pas pu l'aider vu son état « terminal » et en vérité parce que je n'ai pas eu la présence d'esprit, comme on dit, de lui démontrer qu'elle était dans l'erreur : pas de royaume de dieu sur la terre tantine, qu'est-ce que tu fais de cette parole, hein ? Tu prends le « aimez-vous » de Jésus et tu en fais ta justification, ton billet pour le ciel. Calcul erroné, car tu ne peux rien retrancher à la parole divine et ce « pas de royaume de dieu sur la terre », tu ne peux pas l'interpréter en faveur d'une action sociale qui te rassure.
Tu vois tantine en venant te voir j'aurais pu t'aider, j'aurais voulu, tu aurais pu m'aider, je t'ai tendu la perche mais tu ne l'a pas saisie et sans doute même pas vue. Oh je veux bien prendre la faute sur moi, mon erreur, j'aurais dû insister, car j'avais bien besoin de ton aide pour essayer d'arracher mon paternel des griffes de mes cohéritiers impies, ces néo-païens à pattes d’harpagon. Et toi tu avais bien besoin de la mienne pour t'arracher des griffes de Satan. Car ça se jouait ici et maintenant, il aurait fallu nous entendre et j'aurais dû parler plus fort, à l'instar de Christ qui pardonne les péchés du paralytique, j'aurais même dû insister lourdement. Mais tu m'as renvoyé avec la bonne conscience de m'avoir demandé si j'avais trouvé mon équilibre ici-bas. Comme si le but de cette vie était de se fabriquer un petit confort spirituel pour affronter le néant auquel mène ce confort.
Le plan de Satan est incliné. On y glisse confortablement vers la mort. Trop facile de choisir des morts vivants à secourir, d'autant qu'on ne les secoure de rien, on peut au maximum alléger leurs souffrances mais si c'est pour leur faire perdre la vie éternelle, quelle aide est-ce donc ? Qu'ils souffrent avant d'atteindre le ciel, notre seigneur l'a bien enduré, lui, alors même que le ciel non seulement l'attendait mais l'avait envoyé. Non qu'il nous ait incités à souffrir, ni à faire souffrir, simplement il y a mieux à faire que de soulager ses souffrances physiques ou celles d'autrui: il y a les souffrances spirituelles, qu'on peut réduire à l'éloignement de la vérité. Et là je suis coupable, tantine, car je n'ai pas osé te le dire.
Faut dire aussi que je l'ai toujours craint cette tante, son côté fervente catho, prof de math qui plus est, bref, pas facile d'accès pour un fils du peuple aussi anticlérical que rébarbatif aux maths. Mais à présent je me rends compte du danger que présente pour le plan divin ce genre de femme. Elle m'a conduit à la faute la tantine. Je me suis sauvé de chez elle, la laissant à ses polypes dévoreurs qui l'empêchent de manger et donc de partager ses repas. Elle m'a laissé partir de nuit sur la route à des milliers de km de chez moi en m'offrant pour tout viatique un verre d'eau et une vague promesse de canapé mais à condition que j'aille me nourrir ailleurs. J'ai préféré dormir dans la forêt, on était pas encore en hiver et sa campagne est aussi celle qui m'a vu naître.
J'ai donc échoué à sauver mon vieux, ma tante, mon frère et ma sœur au cours de ce voyage, sans parler de mon beau-frère et de son amant homo. En revanche j'ai été accueilli par le dernier des hérauts chrétien, aussi pur que l'esprit de Shakespeare et dont la parole est aussi tranchante que le glaive du Christ, qu'il imite avec la douceur et la précision véritable requise par le ciel. M'étendrai pas trop car la publicité ne sied pas à ceci. Mais j'ai passé deux semaines dans un autre monde, un avant goût de ce qui attend les fidèles de la vérité. Et je ne vous dis que ça, il y aura des putains de grincements de dents chez les impies quand la vérité leur apparaîtra, cette vérité qui est la récompense de ceux qui sont prêt à donner leur vie terrestre en échange. J'ai depuis secoué la poussière de mes sandales en relisant cette parole de Christ :
Car, quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma soeur, et ma mère.
Mathieu 12- 50.
Sur mon chemin de Damas je pense souvent à ces quinze jours qui m'ont été donnés en consolation de mon échec au pays natal. Et en vérité, ceux qui essayent vraiment de faire la volonté du ciel sont si peu nombreux désormais que j'aurais bien du tort à me plaindre alors que j'en connais au moins un parmi les derniers si ce n'est le dernier des…
- Allez qu'on envoie l'Apocalypse, pour ma pomme c'est plié.