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Chanter ou dessiner, that is the question!

 

Je suis convaincu que la musique est d'un accès plus facile que le dessin, que ce n'est pas la même sorte ni le même niveau d'intelligence requis pour ces deux arts.

Il m'en a paru ainsi depuis que le caractère envoutant d'un simple accord de La majeur à la guitare m'a amené à découvrir la complexité rébarbative des accords de neuvième, onzième voire treizième. Le niveau de complexité était plus abordable que celui nécessaire pour dessiner (sans regarder la main !) un visage ressemblant. Je peinais laborieusement vers 19 ans à faire un médiocre portrait d'une splendide créature que j'honorais tout aussi médiocrement pour le coup. Comme je n'ai eu aucune formation sérieuse, ne parlons pas d'initiation, j'ai laissé tombé beaucoup trop tôt. A 14 ans, l'âge où les sens nous éloignent parfois de nos véritables voies, la guitare et les chansons était un moyen hélas trop efficace pour exercer mon appétit pour la beauté et peut-être accessoirement goûter la chère étrangeté de ces créatures proches et éloignées qu'étaient les filles... la chair ! Après tout, me disais-je, contempler, toucher, caresser, sentir et goûter, quand on a aucun principe religieux et que c'est permis... errance sensuelles de nos générations, facilités diaboliques et perverses et pourtant si naturelles aux yeux de nos parents, ces enfants de l'après guerre, conquis par de pseudo luttes de libération, enfants d'une religion qu'ils n'avaient même pas appris à connaitre et dont ils n'avaient au demeurant jamais souffert et que pourtant il repoussaient avec dédain. A peine la frustration de la majorité à 21 ans que dû subir ma mère et qu'elle contourna admirablement en s'aidant de la maternité, plus ou moins volontairement d'ailleurs et qui de fait, en passant à dix huit ans lui procura aussi l'avantage de se débarrasser de sa progéniture beaucoup plus tôt ; bref un petit calcul qui eut de grosses conséquences, comme toujours avec les femmes. Auxquelles en passant on ne devrait jamais laisser l'éducation des fils, mais ça va de soi. Depuis, je suis pour la majorité à soixante dix ans, voire carrément à la mort des parents ou alors à 14 ans merde !

Bref, voilà comment je suis passé du dessin à la musique, soumis à la tentation par ma propre mère qui montra un grand désir d'avoir un fils jouant de la guitare et qui de ce fait ne put empêcher qu'il attrapât le virus du chanteur de charme à la guitare. (jamais su pour qui elle en pinçait, de ces gratteurs de mandoline !)

 

Mais je saisis encore mal l'antagonisme entre les deux. Il y a pourtant une sorte d'état méditatif qu'ils partagent. Et d'ailleurs les chants sacrés n'invitent-ils pas à la communion ? C'est d'ailleurs plutôt le chant qui m'attire dans la musique que la musique elle-même. Je suis un piètre soliste à la guitare mais j'aime chanter à la folie. Les mélodies italiennes ou espagnoles syncopées par le jazz de Brassens, que lui-même ne chante pas vraiment d'ailleurs, par amour de la phrase, suivant Baudelaire en cela que la musique est déjà dans les mots, d'où les tentatives de ce dernier de poèmes en prose, qui, au passage, se prêteraient diaboliquement à la musique de film. D'où aussi le fait que Brassens qui avait bien entendu Baudelaire n'aie jamais musicalisé aucun de ses poèmes malgré le grand nombre de poète qu'il a cuisiné au jazz.

Quand je chante je ressens un peu de la ferveur divine, je redeviens un enfant de chœur et je me fonds dans les limbes. Les Tahitiens que j'ai un peu fréquenté ont la même folie. Peuples d'enfants gâtés par le climat ils chantent plus souvent qu'ils ne réfléchissent, et moi,  j'étais, en apparence, un enfant gâté du siècle. Je pouvais encore espérer ne rien faire de ma vie, juste chanter et aimer. Toute l'histoire de l'humanité n'avait été qu'un immense effort pour que je puisse moi, enfant du progrès, on me le bassinait assez, vivre d'amour et d'eau fraîche. Je n'entendais pas les silences des orgues peu orthodoxes de Staline mais le bruit Pop Rock Jazz de la liesse protestante et arrogante.

 

Mais le silence ! Celui qui accompagne le dessin est-il vraiment un silence ?

Difficile à dire. On touche au recueillement, plus passif et plus actif à la fois.

La voix de l'entente est ouverte.

Est-ce un malin plaisir que de chercher une balance. Non pas mathématique mais une sorte de miroir. Le dessin est l'activité dans la passivité tandis que la musique est la passivité dans l'activité.

Dans son active et hystérique façon de faire du bruit la musique rend passif à la réflexion et invite à la rêverie qu'on peut signaler comme étant hasardeuse. Elle encourage presque matériellement ces errements de l'esprit.

 

Et à mon corps défendant je dois admettre que depuis que j'ai repris le dessin et que je me fredonne Brassens pour les mots,  j'ai des illuminations plutôt positives dans la portée des paroles.  Le miroir ici n'est pas révélateur de symétrie. Il faut admettre une supériorité intellectuelle à l'art pictural dans le sens où il ne mobilise que l'œil et laisse l'esprit ouvert à une réflexion plus profonde sur la beauté et la vérité. Je suis volontiers la pensée de Balzac pour qui la beauté est dans la vérité bien habillée.

Le dessin pourrait être un art de la jeunesse propre à l'édifier au beau, tandis que la musique pourrait enchanter l'enfance et la sénilité pour son divertissement.  J'en veux d'ailleurs pour preuve l'engouement du gogo infantilisé d'aujourd'hui pour la musique industrielle et toute la structure marchande capitaliste qui va avec, depuis les chiottes de gare et  jusque dans les ascenseurs qui mènent au  sommet de l'état. Certes il y a musique et musique encore une fois, mais celle que nous subissons, fût-elle sacrée, n'ayant aucun lieu pour se produire en vient à se répandre de toute part au lieu d'y résonner entourée d'une pompe religieuse propre à tirer des larmes à un castor. La musique d'orgues entendu dans la cathédrale de Senlis eut jadis le pouvoir de me faire consentir à la paternité ce qui n'est pas peu dire. Peut-être qu'une chanson des Beatles ou des Rolling Stones m'y fit renoncer. Le hasard ! J'ose espérer que non.

 

Je suis bien placé pour savoir qu'il faut se méfier de la musique, ne serait-ce que par la promiscuité féminine qu'elle engendre, au hasard de l'humeur qui suivent les notes et la passivité intellectuelle qu'elle suscite chez les peuples. Peut-être que concevant Dieu comme une puissance et un principe, les Juifs comme les Allemands ont pu adorer la musique à l'excès dans leur naïveté, leur impossibilité, à comprendre un Dieu de miséricorde et de charité.  De là à dire que le dessin intelligent, celui des peintres de la Renaissance, est au contraire destructeur du hasard ; on en vient très vite à partager l'opinion de Bernanos, et même au-delà, que le hasard est le dieu des imbéciles ; destructeur aussi de la thèse de Freud, très proche de celle de saint Augustin.

 

Dessinez-moi un lapin et je vous tire le portrait !

 

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