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Comme on connait ses seins...


Tatiana est une jeune et splendide créature rousse qui a tout pour réussir dans le monde d'aujourd'hui. Tout et même trop. En effet, Tatiana possède un cerveau et un cœur, comme bien des femmes, mais elle a quelque chose dont les autres semblent complètement dépourvues : une âme. Tatiana est croyante. Elle croit au Dieu de la bible, à Jésus Christ et au Saint Esprit. Mais elle connait aussi très bien Marx. Cependant elle a deux points forts qui lui permettent de faire oublier ces tares à n'importe quel athée capitaliste. Et elle a décidé de s'en servir.


Ayant remarqué que la pornographie était une industrie florissante qui piétinait à la fois la dignité humaine et les saintes écritures, elle veut offrir sa pudeur aux désespérés. Elle a eu l'idée d'une campagne de publicité, pas moins. Elle veut poser à demi nue pour dénoncer à la fois le business du lucre et la faim dans le monde. Elle hésite sur le slogan.


Comme je sèche un peu, elle propose de me montrer ses arguments. Difficile de refuser sans la vexer. Je dois avouer que ses deux obus ont de quoi faire un sacré cratère dans la forteresse ennemie. Ces deux produits du travail de la nature qu'elle attribue à Dieu, et, vu leur perfection, on en doute pas, elle pense qu'elle n'a strictement rien fait pour les mériter. C'est pourquoi elle est prête à les offrir de bon cœur à la vue du monde entier et au détriment de sa pudeur. Il y a là évidemment une contradiction entre sa foi et sa conscience.


Comme je dois avoir l'air un peu perplexe (sa foi et sa conscience!), elle me lance un mot: chrématistique! me voilà obligé de sortir mon dictionnaire. Je pense d'abord au chrême, l'huile consacrée des chrétiens mais pas du tout. Elle m'explique de bon cœur quand nous comprenons que Robert ignore superbement le mot : c'est le contraire de l'économie, me dit-elle après avoir remballé ses armes de destruction massives (ouf, ma perplexité était à bout). Selon Aristote la chrématistique commerciale substitue l'argent aux biens ; l'usure crée de l'argent à partir de l'argent ; le marchand ne produit rien : en l'absence de règles strictes visant leurs activités et d'un contrôle de la communauté dans son ensemble, tous sont condamnables d'un point de vue politique, éthique et philosophique. D'ailleurs, Karl Marx, dans des pages fameuses du Capital reprend l'analyse des conséquences sur les personnes de ce qu'il nomme auris sacra fames (maudite soif de l'or) du nom latin donné à cette passion dévorante de l'argent pour l'argent, c'est-à-dire de la chrématistique commerciale instaurée par ceux qu'il appelle « les économistes ».

Je sens que la nuit va être longue à devenir demain.


J'ai bien quelques idées  mais elles me paraissent toutes en deçà du formidable objectif de Tatiana et je n'ose lui en faire part. Et puis, je ne suis pas publicitaire, loin s'en faut ! Ce qu'il y a de bien avec toi, me dit-elle, c'est que tu n'as encore rien fait. Je me garde de lui dire qu'il ne faudrait pas en abuser. L'argent est la putain universelle me dit-elle, le fétiche par excellence. Il exprime le lien social sous la forme d'une abstraction. Les gens s'imaginent que la valeur est dans les objets, que le salaire est le prix du travail et que l'argent fait des petits comme le pommier donne des pommes. C'est une aliénation pure et simple. Je veux offrir mon corps au salut de l'humanité.


Des images de crucifixion commencent à me défiler dans le cerveau. Pour les clous, je pense qu'il faudrait faire ça au piercing histoire de remettre les choses à leur place.

A part ça,  je crois que l'image de Tatiana sur la croix en monokini devrait se suffire à elle-même.


Juste avant de sombrer, comme a propos, de sa douce voix d'enfant elle me récite l'apocalypse:

"Ils n'auront plus faim, ils n'auront plus soif, et le soleil ne les frappera point, ni aucune chaleur. Car l'agneau qui est au milieu du trône les paîtra et les conduira aux sources des eaux de la vie, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux."

Dehors il neige et je pense aux douze tribus, ces cent quarante quatre mille dont les robes sont blanchies par le sang de l'agneau. Aucune chaleur ne les frappera. Pas même le réchauffement climatique !

Mais la chaleur de Tatiana ?

"Il n'est si petit saint qui ne veuille sa chandelle."


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