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Franche Cacophonie

Non que je me juge tenu de rendre des comptes à qui ce soit, si ce n’est au Père Eternel, mais je me sens parfois de pouvoir aider mon prochain. Ainsi d’une soirée à laquelle j’ai assisté dernièrement. L’Institut français d’Ukraine organisait dans le cadre d’une semaine de la francophonie, genre de concept religieux républicain correspondant peu ou prou à la Pâques chrétienne (traversée du désert), une petite sauterie où se trouvait réunis cinq ou six écrivains francophones ou francophiles ayant en commun de ne pas posséder de passeport français comme votre serviteur. Six personnes en tout dont cinq femmes. Je disais cinq ou six écrivains car si j’ai bien suivi, une ou deux de ces dames étaient des traductrices ayant bien sûr commis dans leur prime jeunesse quelques poèmes mais rien d’actuel leur permettant d’accéder au statut tant envié d’Auteur, avec un grand A comme dans Amour, Anarchie ou encore A-la-tienne-Etienne. Au centre de la tablée en ligne, on avait installé Kourkov, l’auteur de roman de gare ukrainien, francophile, le tout faisant face au public composé, à mon insu, de sommités tels l’ambassadeur du Canada, l’attaché culturel française et je ne sais quel fonctionnaire suisse de la kulture ainsi que quelques clampin curieux et ne comprenant pas assez de français  et nous imposant une traduction qui nous fit perdre la moitié du temps imparti. La présentation dura de fait une bonne heure, usant ma patience que je soulageai en prenant des notes, exercice salvateur en ce genre de situation. Ainsi pris-je le temps de noter les talons de toutes ces dames, plus ou moins hauts, la suite me le prouva, en proportion de leur engagement politique (les plus hauts correspondants aux moins engagées). Autrices ou auteuses, je sais jamais, talonnées, écrivis-je donc sur le moment, et je peux rajouter aujourd’hui, talonnées par le temps. Quand enfin nous fûmes mis au courant des parcours et origines culturelles des unes et de l’autre, le traducteur se mit en devoir de devenir animateur en posant les questions les plus attendues possible. Devant la nécessité démocratique de laisser à chacun le droit de réponse pour chaque question, la traduction en sus, il s’avéra rapidement qu’à moins de commencer un roman sur le champ, j’allais plus avoir beaucoup d’observations nouvelles à me mettre sous la plume. Me connaissant, il devenait dès lors inévitable que j’intervinsse.

N’étant pas dans mon porc intérieur issu du jambon de Jupiter, c’est en des termes interrogatifs simples et sincères que j’interrompis ce pénible questionneur pour lui prendre sa place, était-il possible au public de poser à son tour des questions, demandai-je en enrobant le tout de l’expression de mes sentiments les plus dévoués, agréés incontinent par le bonhomme après un échange rapide de regard avec son supérieur hiérarchique, le directeur exécutif de l’IF en personne, lui-même autorisé d’un vif coup d’œil par le véritable et vénérable directeur à savoir, l’attaché culturel de l’ambassade de France. Tout ceci fut assez rapide ne me laissant que le temps de poser la question la plus naturellement évidente qui me vint à l’esprit compte tenu de la liberté avec laquelle je m’étais autorisé à la ramener, à savoir qu’elle était donc cette liberté dont ces augustes travailleurs de la langue française avaient plein la bouche. Je le répète, ceci fut dit en des termes simples et dépourvus d'ironie ce qui me valu une salve d’applaudissement du public, que je fis d’ailleurs cesser par un mouvement d’épaule indisposé. J'allais quand même pas voler la vedette à nos invités  parfois venus de loin (Québec pour l’une) pour une question de simple bon sens.

Ce fut l’auteuresse suisse qui fut désignée ou s’auto-désigna pour répondre. A ma grande stupeur, et ma gêne insondable, elle le fit en m’agrippant de la prunelle, me crochetant sans pitié de son regard mi-fromage mi-chocolat. Craignant le renvoi inconvenant qu’un tel mélange ne manque jamais de provoquer, je fis mine de prendre des notes afin de me libérer de cette étreinte romande et vache en l’occurrence. Certes je l’avais bien mérité et sans doute lui aurais-je reproché de m’éviter de l’œil mais il se pouvait trouver un compromis respectant et ma pomme et le public. Comme ce compromis ne lui venait pas à l’esprit et qu’elle s’égayait de plus en plus masochistement dans la boue stérile de la relativité einsteinienne, entérinée par toutes les banques de son pays, (chacun sa liberté etc.), je me lançais très charitablement à son secours en empruntant mon canasson préféré, à savoir: William Shakespeare. Ne voyez-vous pas, lui dis-je d’un air navré, que comme le dit Shakespeare par la voie et la voix d’Hamlet dans le célèbre monologue to be or not to be que la conscience, (parfois traduit en français par réflexion) fait de nous des lâches  ? ce à quoi elle répliqua que la réflexion pouvait aussi nous rendre courageux et que sa réflexion n’engageait qu’Hamlet. Merde alors ! m’exclamai-je en mon Lord intérieur bois précieux cuir de Russie. Aussitôt je m’employai à rectifier et de montrer que par exemple je n’avais guère moi-même réfléchis avant de prendre la parole au risque de passer pour un je-ne-sais-quoi, sans quoi je me fusse bien volontiers abstenu et ce d’autant plus que j’ignorais alors la présence de personnes fort capables de me nuire dans mon tort extérieur. On croit l’exemple contagieux, je connais même un type qui a cru bon d’offrir une récompense au savant capable de trouver le virus de l’exemple, mais c’est un tort. Car c’est au nom de la liberté qu’on me fit taire quand j’évoquais le libéralisme ordinaire nazi. Et c’est ainsi que je venais de prouver que son chacun sa liberté signifiait en vérité chacun son idée de la liberté.

De fait la liberté est un concept religieux qui n’a rien à voir avec la libération chrétienne. Et d’ailleurs comme le fit remarquer l’auteur comptable Kourkov, elle n’a pas le même prix à Paris qu’à Moscou. En effet elle rapporte beaucoup plus à Moscou, et ce n’est pas son compère V. Sorokine qui dira le contraire, lui qui vend très bien sa contestation de Poutine à Paris, tout en restant tranquillement et confortablement dans son pays avec ses euros. A qui veut-on faire croire que la liberté existe si ce n’est à des esclaves ? La seule chose dont il vaille la peine de se libérer est notre condition humaine, et donc de la mort. Tout le reste est de la littérature de zombies faite par des zombies pour des zombies. Laissons les morts ennuyer les morts. Amen !

Commentaires

  • Le coup du regard mi-fromage, mi-chocolat est particulièrement savoureux!

  • Cadavre exquis en l'occurrence!

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