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  • Sacré bémol

    "Si le chrétien se défie autant de la musique, contrairement à l'antichrist qui s'en réjouit, c'est parce que la musique est l'endroit où se mélangent le sacré et le profane, selon le principe diabolique de l'Eglise romaine. En abolissant les sacrements romains, la réforme protestante les a remplacés par un, qui ne vaut pas mieux : la musique.

    Or le mélange du sacré et du profane se fait toujours au profit des puissants et au détriment des opprimés."

    L'aphorisme est conçu en haine du style et de l'exhibitionnisme littéraire, nous rappelle mon pote Lapinos, ça se trouve ici!


  • De la religion du trou

    La religion de Charb

    Publié par Telemax dans le fanzine Au Trou!?

    - La religion la plus courante et qui engendre le plus de fanatisme est celle qui pousse à remettre son suicide à demain : pourquoi un tel consentement à vivre ?

    - Essentiellement, la religion est un principe vital. Les rituels religieux se concentrent d'ailleurs sur les choses vitales, et ont pour effet de les exalter.

    - Le socialisme, s'il fournit de nombreux moyens de vivre, plus ou moins efficaces, dont le travail pour l'ouvrier, le pouvoir pour ceux qui ont le goût de dominer, ou la culture pour les intellectuels, ne fournit pas de raison de vivre. Le socialisme est donc une religion ; les "lendemains qui chantent" du socialisme ne sont pas moins fantaisistes que les sept vierges promises aux martyrs d'Allah. Le principe d'égale jouissance des hommes est démenti par toute l'histoire, et en outre par le principe de la concurrence économique.

    - La première cause du fanatisme religieux est en soi ; et si ce fanatisme est difficile à vaincre, ce n'est probablement pas, contrairement à ce qu'on peut penser, en raison d'un amour de soi excessif, mais au contraire d'un manque d'amour de soi.

    - La religion de Charb est à peu près ce qu'il est convenu d'appeler cartésianisme. Un mensonge universitaire courant est de faire croire que ce cartésianisme est typiquement français, alors qu'il est typiquement "élitiste" ou universitaire, et que la littérature et l'art français sont parmi les moins élitistes au monde ; le deuxième mensonge est de faire croire que le cartésianisme est irréligieux. C'est occulter que l'université a pour principale fonction, historiquement, non pas la science mais la morale ou l'éthique.

    - Il faut dire que la structure même de l'élitisme, pyramidale, est d'essence religieuse et non scientifique ; par conséquent la logique de récusation de l'élitisme - celle de Karl Marx, par exemple, ou encore de Molière, de Shakespeare la plus radicale, de l'abbé Grégoire, de Georges Orwell - est une logique scientifique.

    Il y a dans l'ordre humain, la nécessité de l'organisation sociale, un risque de préjugé scientifique ou artistique important ; aucun véritable savant n'a omis de le signaler : dans le domaine scientifique, comme dans l'ordre des choses divines, la tentation pour l'homme de prendre son désir pour la réalité est très forte.

    - Karl Marx démontre ainsi que la critique historique et l'idée de civilisation républicaine ou de "modernité" (où le mouvement est souligné, plutôt que l'équilibre) sont incompatibles. L'idéal civilisateur, qui possède une fonction justificatrice, implique le négationnisme de l'histoire (ainsi, actuellement, le fait que l'institution républicaine n'est qu'un décalque de la vieille institution catholique romaine, et que le régime nouveau n'est qu'une adaptation aux circonstances économiques nouvelles, ce fait est largement occulté).

    - Oui, mais René Descartes n'était-il pas chrétien, alors que Charb est athée ?

    En effet, mais le rapport de Descartes avec le monde moderne tient à la mise à l'écart par cet ingénieur chrétien de la métaphysique, pour la raison que celle-ci n'est pas, selon lui, utile dans le domaine de la science technique. L'erreur est de croire que la métaphysique et la religion sont deux notions équivalentes, alors qu'elles s'affrontent le plus souvent. Autrement dit, Descartes contredit radicalement la conception scientifique de Rabelais selon laquelle science et métaphysique ne peuvent pas être scindées sans faire courir un grave danger à l'humanité.

    Ici le qualificatif "d'ingénieur" s'impose doublement : en tant qu'il est caractéristique d'une conception élitiste de la science, d'abord ; secundo, parce qu'il dément concrètement l'idéal égalitaire ou démocratique mis en avant par ailleurs ; l'ingéniérie se résume presque en effet à une science du commandement.

     Le mobile de l'éviction de la métaphysique dans les domaines scientifique ou artistique n'est donc pas scientifique ou expérimental, mais bel et bien technique. Or la science technique est la plus efficace et fonctionnelle, donc la plus religieuse. Le phénomène moderne de spécialisation de la science, ou encore de sa scission avec l'art se trouve légitimité par l'éviction de la métaphysique. Toute l'astuce de la religion moderne est là, qui consiste à faire passer des choses pratiques et fonctionnelles pour "légitimes" ou "pures", notamment aux yeux du peuple.

    Il ne faut donc pas s'étonner de voir la science technologique, sur laquelle s'appuie la technocratie aujourd'hui, combattue au nom de l'irréligion.

    C'est sous l'angle de l'efficacité et de la fonctionnalité que le cartésianisme est moderne. Mais également sous cet angle que la religion de Charb s'impose sur l'islam, dépassé par la mondialisation.

    L'opposition du monde moderne à la religion mahométane n'a donc rien à voir avec la liberté d'expression : c'est bel et bien à l'intérieur d'un rapport de force religieux qu'elle s'inscrit.