Je relisais une note du Lapin quand je suis tombé sur les commentaires, qui m'avaient échappé, un comble. Car un monsieur mille-et-une-nuits, pas vraiment un monsieur-tout-le-monde, auteur administrateur d'un blogue à plusieurs auteurs, courtois et affable, parfois touchant de charité (ça change du yanki du moment) se fait le contradicteur inspiré du Lapin qu'il inspire. A ne pas rater, pour tout esprit curieux de la vérité, bien des choses y trouvent leur explication saisissante d'exactitude. Le glaive du Lapin est affuté comme un rasoir divin. Lectrices et petits lecteurs s'abstenir, c'est long comme un jour sans pain.
C'était donc le
vendredi, 11 décembre 2009
ça s'appelait :
Thibon l'Imposteur
C'est plus ou moins une saloperie que l'introduction de Simone Weil par le paysan Gustave Thibon ("La Pesanteur et la Grâce"). Pour ne pas trop charger la mule Thibon qui a déjà contre lui de ne pas croire en Dieu (c'est là que mène Pascal et aux pirouettes de Jean Guitton, Nitche ou Sartre), je me contenterai de la formule suivante : la Simone Weil marxiste est plus chrétienne que la Simone Weil "convertie au christianisme".
Car Simone Weil est l'anti-Nitche ou l'anti-Maurras, et c'est déjà beaucoup. Quand ces nostalgiques de la Rome antique, dans laquelle les chrétiens les plus sérieux ont vu qu'il se tramait quelque chose de babylonien, quand ils sacrifient Dieu à la religion, Simone Weil, elle, a la sagesse de préférer tenir la religion pour beaucoup plus suspecte.
*
Dès ses "Causes de l'oppression" Simone fournit en effet la raison générale du paganisme, l'ancien et le nouveau, qui permet de comprendre comment, visant "par-delà bien et mal", Nitche est tombé sous le niveau de la ceinture, bien en-deçà du bien et du mal. Le paganisme est essentiellement politique et moral, démontre Simone Weil. En outre, si Nitche s'était donné la peine de lire les auteurs français au lieu de les piller, il aurait pu voir que même un poète romantique comme Baudelaire souligne l'ambiguïté profonde de la morale. La loi darwinienne de la jungle, mise au service du national-socialisme et du capitalisme (R.P. Bruckberger : "Le capitalisme, c'est la vie."), cette loi n'est que le revers du sophisme chrétien de la "loi naturelle", parfaitement réversible comme toutes les idéologies.
*
Que l'idée "d'éternel retour" plane au-dessus de la tête de Darwin, tout comme l'idée du "struggle for life" plane au-dessus de la tête de Nitche, cela se comprend en effet sous l'angle des mathématiques. Le malthusianisme qui fonde le "struggle for life" est statistique, et la statistique (cf. Descartes) pose le principe de l'éternel retour (que le jour se lèvera demain est le "maximum" de la probabilité comme son "minimum" : c'est ce qui rend la statistique inadéquate à la science pour un savant matérialiste comme Aristote ; et explique aussi pourquoi le risque de perturbations climatiques majeures sème la panique dans le sérail des polytechniciens élevés en batterie, héritiers putatifs de Pascal dont Jacques Attali reproduit à merveille les airs de cartomancienne.) Grâce soit rendue à Simone d'avoir fustigé la grande truanderie intellectuelle de la polytechnique en la personne de Max Planck !
Par ailleurs où Darwin trahit encore sa "raison" puritaine, morale, c'est dans sa conception mécanique de l'homme, en termes de fonctionnalité (le "bipédisme"). Là encore on est très proche de Descartes et de son animal mécanique. On peut aussi bien comme M. Pastoureau sur la foi des organes (et donc de l'âme) rapprocher l'homme du cochon. L'homme ne se résume pas au fait de déambuler. Tiens, à ce propos, comment se fait-il que je pense tout d'un coup à Oedipe, ce tyran qui fascine tant les "judéo-chrétiens" de toutes confessions ?
*
Dès lors il faut se demander comment le pape Ratzinger peut trancher en faveur de Darwin contre François Bacon (in : "Spes salvi"), son exact contraire ?
Quiconque est un tant soit peu familier de la science, sans même être persuadé comme je le suis que François Bacon et Shakespeare ne forment qu'un seul et même dessein, peut voir en effet que la science de Bacon, fondée sur la sagesse des Anciens, sa théorie de la dérive des continents en particulier, mais pas seulement, est RADICALEMENT incompatible avec la science de Darwin, imprégnée de cartésianisme et de science physiocratique (l'éparpillement de la science est opposé au rapprochement que les analogies de l'induction vraie selon Aristote ou Bacon permettent).
Et non seulement commettre une telle erreur, mais la préfacer du mensonge historique éhonté selon lequel la foi et la science seraient deux savoirs bien distincts, quand la science mathématique dominante est, a été, et ne peut être que la science la plus religieuse qui soit ? Quand par exemple Leibnitz et les acolytes de Newton se perdent en ratiocinages interminables pour savoir lequel des deux est le plus conforme à la Genèse ? (mensonge de la neutralité propagé aussi par Claude Allègre et qui suffit à le discréditer en tant que savant, et sans doute avec l'aplomb le plus formidable par le britannique R. Dawkins, équivalent des frères Bogdanoff dans le domaine du transformisme, sans que cela excuse en rien le(s) pape(s) - Jean-Paul II a trempé dans les mêmes balivernes).
Mensonge doublé de l'hypocrisie qui consiste à poser un verdict dans le domaine scientifique juste après avoir exclu -chose impossible en réalité- la science du domaine de l'espérance, de la foi et de la charité.
Commentaires
Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Pourriez-vous reformuler mais sans les critiques de tous ces gens ? Quelle est donc la thèse que vous soutenez ?
Ecrit par 1001-nuit: samedi, 12 décembre 2009
La difficulté vient de ce qu'un catholique (un minimum sérieux) ne peut concevoir Dieu comme un principe mathématique, une énergie, un potentiel, quelque chose de ce genre sur le mode de l'abstraction mathématique. Vous me suivez ?
A cause de l'incarnation, comme vous pouvez le deviner. D'où l'effort de grand penseurs chrétiens pour tenter de penser ce qu'est un "corps glorieux" appelé à l'éternité.
Non seulement il ne le peut pas, mais c'est bien plutôt le diable qu'un catholique concevra sur le mode du potentiel (la "virtus" romaine, qui englobe l'idée de vertu et de puissance) qui se développe dans le temps (666) ; pour reprendre le vocabulaire d'Aristote, la vertu est "en puissance" et non "en acte". Ainsi la pièce de Shakespeare "Measure for measure" est-elle un plaidoyer contre la vertu, qui n'est pas spécifiquement chrétienne. Si vous voulez, Shakespeare pose une théorie de la relativité de la morale (la théorie d'Einstein elle-même est mathématique et donc purement rhétorique, sans rapport avec la réalité).
On pourrait penser que Nitche ou Freud sont dans le même camp que Shakespeare (la division en "camps" est évangélique : le catholicisme a beau être universel et appartenir à tous, il est écrit que peu seront élus et beaucoup feront le choix de servir le temps) : en réalité Nitche n'a pas compris que le puritanisme et la morale qui l'oppressent ne viennent pas du christianisme authentique mais d'un christianisme paganisé, la "religion allemande" dont Marx n'a pas laissé pierre sur pierre et a détruit l'architecture intellectuelle.
Seul un bourgeois cynique, un fonctionnaire lambda, pourra tenter de faire croire qu'Hitler est "tombé du ciel" et qu'il a accompli ses forfaits seuls, alors qu'il fut soutenu, non pas par un peuple, mais par toute une culture "judéo-chrétienne" et puritaine (Hegel = SS). En dehors des qualités propres à l'homme d'Etat, Hitler n'est pas d'une grande originalité dans ses conceptions politiques et métaphysiques globalement nitchéennes.
Le pape Ratzinger et feu le cardinal Lustiger ont d'ailleurs essayé vaguement de qualifier Hitler théologiquement de suppôt de Satan ou d'Antéchrist ; ça n'est pas allé bien loin ; je suppose qu'ils se sont aperçus que c'est toute la Kulture allemande qui pue le satanisme à plein nez.
Ecrit par : Lapinos | samedi, 12 décembre 2009
Ecoutez, je vous questionne car je commence à m'intéresser un peu plus sérieusement au christianisme.
Sur votre première proposition de ne pas prendre Dieu pour une énergie, une abstraction, je vous suis. Quand vous dites, le diable comme un "potentiel", j'ai du mal à vous comprendre, tout comme par rapport à la vertu. Mais il s'agit peut-être de ce que vous mettez derrière les mots.
Par contre, je vous suis lorsque vous parlez des racines de la culture allemande, tout comme de la vision rigide du christianisme protestant qui, je l'avoue, me paraît parfois assez loin des Évangiles (mais je connais encore mal).
Mais, je suis sans doute un grand naïf mais à propos de la morale, j'aurais tendance à dire que soit nous sommes moraux, équilibrés en quelque sorte naturellement, sans y penser, soit nous respectons des conventions avec plus ou moins d'efforts (efforts qui peuvent être récompensés par une faculté de juger "socialement" "les autres" par exemple).
Dès lors que la morale s'impose comme une règle, ou comme une loi implicite mais qu'il faut suivre sans la comprendre, elle devient une caricature d'elle-même au fil du temps et elle dénature notre relation au divin, car elle nous éloigne de la découverte de la vérité. Elle agit comme un "voile".
Mais il en est de même de toutes les règles intellectuelles qui ne sont jamais vraiment applicables basiquement dans tous les cas (à part les grands commandements). Au fur et à mesure les gens perdent le lien entre la règle et le pourquoi de la règle (suivant leur capacité à questionner les règles), entre la règle et le sens. La règle se formule ensuite de plus en plus simplement jusqu'à devenir l'ombre d'elle-même ou l'inverse de son but de départ.
C'est pourquoi il faut toujours faire un peu d'archéologie quand on étudie la morale, toujours être à la limite d'un ésotérisme du sens. Et je pense qu'il faut aimer les cas particuliers et couper les cheveux en quatre. Sinon, on devient obtus et juge.
Pour le reste, je ne serai pas aussi catégorique que vous concernant les allemands, mais je dirai que de manière générale, les peuples anglo-saxons et nordiques aiment les règles et notamment les règles sociales (les américains par exemple). Il est donc normal que se développe chez eux un amour pour la morale et que ce développement génère des hérésies quand ces règles sont associés avec des concepts religieux. C'est comme ça que le bien et le mal deviennent "l'axe du bien" et "l'axe du mal", je pense, et sans doute, comme vous le dites, le "par delà le bien et le mal" est en fait un "en deçà du bien et du mal".
Mais c'est l'amour qui tempère la morale pour en faire quelque chose d'équilibré. Car de morale, point trop n'en faut. La morale est rapidement un jugement intellectuel sur une représentation intellectuelle du bien et du mal. C'est donc et ce sera toujours un vecteur de manipulation politique exceptionnel.
Ecrit par 1001-nuit | dimanche, 13 décembre 2009
- "Par-delà le bien et le mal" est traduit en deux directions opposées ; par Shakespeare, et c'est l'histoire moderne occidentale dont il est un des pères fondateurs, et, je le souligne car c'est un des mensonges délibérés de l'Université laïque (française entre autres), une science historique qui n'est pas coupée de la vision apocalyptique de saint Jean (comme sa peinture et sa théologie en attestent, la Renaissance est une période particulièrement féconde sur le plan apocalyptique) ;
- à l'opposé le slogan de Nitche, pur produit de la culture allemande "judéo-chrétienne" dont Marx et Engels ont démontré qu'elle était largement "néo-païenne" (au demeurant si Luther n'a pas la sagacité ni le courage de Marx, son "diagnostic" n'est pas moins sévère). L'imbécile Nitche n'a donc pas compris que le puritanisme et la morale qu'il rejette violemment ne sont pas imputables au Nouveau Testament mais bel et bien au paganisme dans lequel l'Allemagne a sombré et dont le culte du veau d'or capitaliste est la meilleure preuve (veau, taureau, vache, toutes ces idoles sont d'ailleurs traditionnellement associées non pas seulement au culte de l'or ou de l'argent mais du pouvoir en général : l'hypocrisie libérale consiste à faire oublier que les banques suisses ne seraient rien sans une armée et une police suisses proportionnées à l'épaisseur des coffiots : c'est d'ailleurs pourquoi l'"esprit d'initiative", antienne des libéraux, est si proche du gangstérisme ; la société capitaliste "hypermorale" tend bien vers la généralisation des crimes crapuleux.)
Votre image du voile est une bonne illustration. Que ce voile soit porté par des femmes catholiques au XVe siècle, des femmes musulmanes aujourd'hui, ou encore le capuchon des moines, il est un signe de soumission à une politique et à une morale. Le culte de la politique (Louis XIV-dieu Soleil) est toujours lié à un animisme fort. La nudité des corps dans la peinture de la Renaissance traduit en partie le rejet de la politique et de la morale. L'art du drapé au moyen âge en Europe (orientale et centrale notamment) est comme une apologie de la vertu. Compte tenu de ce que le capitalisme doit à l'art de tisser la toile, on peut dire que la trame est une métaphore de la vertu.
La nudité pornographique capitaliste qui se présente comme une réaction à la morale puritaine (en ce sens elle est très "nitchéenne") trahit son hypocrisie de deux façons caractéristiques :
- elle se contente de rejeter la morale et non la politique (la "révolution sexuelle" yankie, ou celle du crétin international Cohn-Bendit), ce qui est parfaitement vain puisque la morale n'est qu'un produit politique (Elle n'est divine que pour un juif, dont le Dieu assure lui-même la sanction pénale, punissant les juifs renégats qui se tournent vers le veau d'or.) L'évolution du mariage bourgeois au cours du dernier siècle est ainsi comme "indexée" sur l'évolution de l'économie capitaliste ;
- elle n'est pas une glorification du corps mais au contraire sa prostitution, sa transformation en marchandise, c'est-à-dire le pire sort qu'on puisse faire subir au corps (cf. Shylock et la livre de chair humaine), attentat dans lequel le cinéma joue un rôle majeur, à tel point qu'on peut presque dire que l'essence du cinéma est la prostitution ; même les défilés de mode pornographique ressemblent à des danses macabres.
Le voile étant essentiellement virtuel, le masque d'hypocrisie de la bourgeoisie capitaliste est invisible.
Ecrit par : Lapinos | lundi, 14 décembre 2009
Certes, Nietzsche est certainement quelqu'un d'une grande mauvaise foi qui peut donc tout à fait avoir tout confondu, mais le personnage, outre le fait d'être une icône d'un archétype de rébellion ne propose pas grand chose. Il fait partie de ces gens que l'on aurait rencontré sans même trouver intéressants leurs discours alors que, au fil de l'histoire, ses écrits sont restés, peut-être parce qu'il avait su capter un anticléricalisme "tendance" (genre de filiation "héritiers de 1789"). Mais bon que Nietzsche ait dit des bêtises, OK.
Pour ce qui est de Shakespeare, vous me proposez une fois encore la lecture historique/apocalyptique que j'ai du mal à saisir, je l'avoue. L'histoire existe dans la perspective de l'apocalypse, c'est bien ça ? N'est-ce pas une transposition de la passion de Christ sur l'homme (dans le Romantisme) et sur la société (dans la vision historico-apocalyptique) ? Je ne suis pas certain de vous suivre en fait. J'ai toujours un peu de mal à voir où vous voulez en venir.
Pour le voile (au sens strict), je suis d'accord sur le fait que celui-ci est le signe d'une certaine morale, d'une certaine conception de ce qui doit resté caché, au moins dans certains circonstances sociales, et donc d'une certaine vision du bien et du mal. Certes, la Renaissance semble jouer avec le nu des corps comme d'un défi aux autorités morales en place (et sous couvert de religion, la plupart du temps). Pour ce qui est de la nudité crue, effectivement, elle est là pour être consommée, c'est certain. Comme quoi, les symboles du monothéisme recouvrent quelque vérité :-)
Vous fustigez donc la "morale" capitaliste qui a tout d'une morale démoniaque à vrai dire, donc d'une morale "inversée" et je suis assez d'accord. Même si je ne vois toujours pas où vous voulez en venir :-)
Ecrit par 1001-nuit| lundi, 14 décembre 2009
- Détrompez-vous, le cas de Nitche est significatif ; le fait qu'un représentant de la pensée nationale-socialiste (néo-paganisme + idéalisation de la religion romaine + parodie d'un humanisme français mal compris + darwinisme) qu'un tel gugusse trouve des adeptes assez nombreux dans tous les partis en Europe et aux Etats-Unis : des anarchistes en passant par la droite libérale, la gauche républicaine et même le clergé catholique (!), ce qui paraît assez invraisemblable mais que je peux vous garantir, ce goût est très révélateur. Nitche incarne bel et bien l'esprit laïc actuel, marqué par l'orgueil et l'hypocrisie (il n'est guère difficile de reconnaître les principes nazis chez Nitche, bien que celui-ci ne soit pas toujours très cohérent).
- La raison pour laquelle j'évoque Shakespeare, c'est qu'il incarne, lui, l'esprit laïc de la Renaissance (Dante Aligieri, ennemi de l'islam ET des papes simoniaques est une sorte de préambule à cet esprit laïc), l'esprit laïc original. Or il est intéressant sur le plan historique de constater que TOUT ce que Shakespeare combat, Nitche le défend (sauf l'anticléricalisme, mais Nitche est d'un temps où l'anticléricalisme est un lieu commun et une position politiquement peu risquée). Entre Shakespeare et Nitche, non pas la Révolution française qui n'a guère eu lieu que dans la tête de Voltaire, mais le XVIIe siècle. C'est là que se situe la grande rupture économique et intellectuelle.
- Là où je veux en venir c'est qu'il est assez logique pour un musulman comme vous d'avoir de la sympathie pour le type de christianisme janséniste né au XVIIe siècle dans la mesure où il est "théocratique" et insiste sur la réforme des moeurs.
Le gallicanisme comme l'anglicanisme, "christianismes d'Etat", ont procédé à l'amputation de ce qui dans le christianisme l'empêche de se compromettre avec la politique et l'Etat, à force de sophismes scolastiques ou de casuistique romaine (une sorte de talmud chrétien). Parmi les membres amputés, et non des moindres, il y a l'apocalypse de saint Jean, pour la raison simple qu'elle stigmatise le pouvoir politique comme un pouvoir satanique.
Je ne cherche donc qu'à vous éclairer sur le fait qu'il existe au sein même du christianisme et du catholicisme une fracture, la distance la plus large se mesurant entre François Bacon et le franc-maçon Joseph de Maistre*, un fossé aussi large qu'entre le christianisme et l'islam.
Vous éclairer aussi sur le fait que l'Eglise catholique est dans un état comateux sur le plan intellectuel depuis plusieurs siècles déjà, même si sa survie à l'état de relique satisfait de nombreux intérêts. Je pourrais vous en fournir de nombreuses preuves ; j'en choisis une : le rattachement de la doctrine catholique à Thomas d'Aquin à la fin du XIXe siècle ("Aeterni patris"), alors même que le cartésianisme/newtonisme triomphe depuis plus de deux siècles en Europe et que la dynamique de Thomas d'Aquin est en grande partie scientifique (cf. la thèse assez claire sur ce sujet de Pierre-Gilles Ceaucescu aux éd. du CNRS) et contraire au cartésianisme. Mouvement brownien catholique prolongé par la proposition récente du pape actuel, devant un parterre de grosses légumes goguenardes, d'en revenir à une pensée européenne médiévale... qu'il convient de qualifier de tartufferie.
*J'insiste sur le fait que de Maistre était franc-maçon, non pas tant pour le stigmatiser que pour indiquer que l'idée maçonnique (de grand architecte de l'univers) dérive d'une conception théocratique chrétienne. Mais il y a longtemps que le triomphe de la religion laïque républicaine rend les loges maçonniques caduques en tant que groupes de pression idéologique. Hitler les a même pourchassés alors que le nazisme est imprégné de cette idée architecturale et mathématique présente dans tous les systèmes théocratiques, qu'ils soient officiellement athées ou cultivent tel ou tel dieu.
Je ne considère pas le capitalisme comme une inversion de la morale mais je tiens le capitalisme pour la preuve que la morale est parfaitement réversible. Est-ce plus clair ?
C'est précisément là que la dialectique de Marx introduit une démonologie chrétienne fort semblable à celle de Shakespeare auparavant ("Mesure pour mesure"), car la réversibilité, l'ubiquité est une propriété du diable, et ça dès la mythologie grecque.
La description de l'argent par Marx comme une liquidité énigmatique à double tranchant rencontre en outre un écho dans l'Apocalypse.
Constatez :
1. Que la pensée matérialiste authentique (Aristote, François Bacon, Karl Marx) détruit la théorie juridique de la loi ou de la morale naturelle (fondement de toutes les théocraties) ;
2. Que la pensée matérialiste est LA pensée occidentale même si elle a toujours été mise en minorité, dans la mesure où elle ne se rencontre pas ailleurs (même si Averroès en est très proche, il n'est guère représentatif de l'Orient) ; de mon point de vue les Etats-Unis ne sont en rien "occidentaux" ;
3. Que le choix est donc, bien plutôt qu'entre l'islam et un christianisme ramené aujourd'hui à une vague culture chrétienne, ou entre le christianisme et le bouddhisme, le vrai choix est entre le matérialisme et le refus du matérialisme. Tout "matérialisme" accordant aux mathématiques et à la géométrie une place autre que purement rhétorique n'étant bien sûr qu'une entourloupe universitaire.
Ecrit par : Lapinos | mardi, 15 décembre 2009
Je pense commencer à cerner effectivement où vous voulez en venir suite à vos nouveaux commentaires.
Le cas de Nietzsche est, je vous suis, assez révélateur de notre société et c'est vrai que le fait qu'il ait des partisans dans tous les bords montre qu'il est proche d'un certain "conscient collectif" si j'ose dire. Orgueil et hypocrisie, soit. Nous pourrions rajouter mauvaise foi et cynisme, et surtout ce je ne sais quoi qui fait toujours voir dans l'autre la faute, mais jamais dans soi-même. Pour moi, ce dernier trait est le plus gênant, car il ne propose pas la perspective de mûrir dans la religion, de lever les voiles les uns après les autres entre nous et la Vérité. Il ne propose pas de chemin pour l'homme. Cet esprit est donné et il est définitif, il est le début et la fin, mais il n'est que matériel.
Vous qualifiez cet esprit de "laïc" et peut-être avez-vous raison, même si le terme de laïcité est mis à toutes les sauces aujourd'hui. J'aurais plutôt dit que cet esprit était "athée", mais ce serait sans doute projeter ma vision de l'islam dans une tradition catholique qui est moins spirituelle et plus politique que je ne l'imagine.
Votre remarque sur la théocratie est intéressante. Non celle qui, en raison de mes sympathies avec l'islam, ne rend "janséniste" à vos yeux (mais vous me la faites à chaque fois et j'avoue ne pas bien comprendre cette étiquette), mais celle que la théocratie soit une dérive de la religion. Ainsi, l'islam est souvent théocratique dans son application, tout comme l'était le Catholicisme en tant que religion d'Etat durant des siècles en France. Pour l'islam comme pour le christianisme, accepter que la politique soit sanctifiée, revient à faire entrer Satan dans le giron de l'Eglise ou du Califat, je vous l'accorde, quoique ces deux entités ne se recouvrent pas vraiment.
Je connais trop mal l'Apocalypse de Jean pour y voir une critique de la politique (mais je vous crois sur parole, le fait ne me semblant pas anormal), mais j'ai bien compris que vous voyez dans la théocratie une dénaturation du message du Nouveau Testament. D'une certaine façon, je ne vois pas dans le Coran une incitation à la théocratie non plus, mais plutôt une série de lois qui fondent l'Etat musulman. C'est donc un problème de droit plus que de théocratie en islam. La Charia est d'inspiration coranique, cela n'en fait pas pour autant une loi qui légitime un "roi" de droit divin, un roi qui aurait aussi l'autorité spirituelle de commandeur des croyants. C'est plus une coutume mais non une indication coranique. Mais là encore, je ne suis pas assez savant en islam pour connaître l'avis des savants sur la question.
En islam aussi, la théocratie peut être vue comme une généralisation abusive de la loi coranique qui, par l'intégration de la politique dans le Califat peut le corrompre d'une certaine façon (voir le Jardin de Roses de Saadi sur le sujet). Car la théocratie islamique est pour moi plus inspirée de la Sunna, donc de l'implication politique du prophète Muhammad dans son temps. Mais si Muhammad était légitime, qui aujourd'hui peut se proclamer légitime de droit divin (même si certains le font) ?
Pour ce qui est de Bacon et de de Maistre, j'avoue ne pas les connaître suffisamment pour bien comprendre ce que vous voulez dire. Je ne connais que très peu de Maistre ou Bacon. Vous dites que défendre une conception mécaniste de l'univers est un trait de la théocratie, et j'avoue que je ne sais pas vraiment. Néanmoins, j'avoue m'être interrogé sur ce retour de l'Eglise catholique à Saint-Thomas durant le concile Vatican I si je ne m'abuse, sans pour autant que je ne puisse juger de la cause de ce retour, ni même des différences entre Descartes et Saint-Thomas. J'avoue que ces différences idéologiques ou de méthode me dépassent encore.
Pour ce qui est du capitalisme, la morale est non seulement réversible mais elle instrumentalisée par le matérialisme. En d'autres termes, ce qui est bon aujourd'hui peut être mauvais demain tant que le citoyen consomme. Elle est relative et assujettie au monde matériel et à des intérêts immédiats. Par exemple, le fait d'être "rebelle" était auparavant mauvais, mais c'est aujourd'hui bon, c'est devenu un lieu commun, la société se compose de rebelles qui font des courses de rebelles... de manière homogène. Il y a simplement eu un glissement de sémantique.
Dans votre deuxième commentaire, j'avoue que vous me perdez une nouvelle fois. Le matérialisme a un côté satanique, je vous suis là-dessus. Mais je ne comprends pas votre opposition matérialisme versus théocratie, ni même le choix que vous semblez proposer en fin de commentaire. Il ne fait pas de doute pour moi que le matérialisme est le courant de pensée majoritaire de l'humanité, et peut-être naïvement, je rapproche ce matérialisme d'une absence de perspective divine, d'un athéisme qui ne procure qu'une vision plate du monde, sans relief spirituel si possibilité de progresser dans sa compréhension/appréhension de Dieu.
A noter que ce matérialisme est, selon moi, partout valable de la même façon, même à mon sens dans les pays théocratiques. L'homme est majoritairement matérialiste et obsédé de son confort et de ses jouissances matérielles. Ainsi, dans chaque société, les hommes allant vers Dieu n'ont pas besoin de régime ou d'idéologie pour aller vers Dieu car ils sont confrontés aux mêmes pensées dominantes et matérielles. Ils doivent les surmonter et, à l'aide des textes saints, se frayer un chemin vers le "vertical".
1001
Ecrit par 1001-nuit| mercredi, 16 décembre 2009
- L'incompréhension vient entre nous du vocabulaire principalement. Je qualifie de "matérialiste" la dialectique d'Aristote, de François Bacon et Marx, même si ce dernier n'a guère eu le temps de se consacrer comme Bacon ou Aristote à l'astrologie, la physique ou les sciences naturelles ; mais il est assez évident que la dialectique marxiste ne prédispose pas à gober -au contraire du cartésianisme, contexte dans lequel cette idéologie est née-, à gober la théorie évolutionniste de Darwin (Ne serait-ce que parce que, pour un matérialiste, le progrès n'est pas "fonction du temps", "généalogique", mais au contraire il se fait "contre le temps".)
Le capitalisme est donc extrêmement "spirituel" ou "idéaliste" de mon point de vue matérialiste.
- J'essaie de vous expliquer sous un autre angle pourquoi jansénisme et islam sont à mes yeux équivalents spirituellement avant de préciser en quoi ce n'est pas juste pour le plaisir de vous titiller que je le répète :
- Ce qui fait défaut dans le jansénisme, c'est l'absence de défense contre le paganisme (A cet égard saint Augustin est gravement coupable d'avoir introduit dans le christianisme des idéologies scientifiques pythagoriciennes très profondément païennes, et ce d'autant plus qu'il l'a fait après avoir clamé son hostilité à la science qu'il lie à la... libido.), qui explique notamment comment le pape actuel peut s'acoquiner sans sourciller avec les doctrines scientifiques les plus païennes (dont le darwinisme, mais c'est loin d'être le seul exemple). Religion, morale, politique, sont des principes très païens (On ne fait pas plus "politique" ou "morale" qu'une tribu d'anthropophages, bien avant le capitalisme qui est entièrement moral, c'est-à-dire "anthropologique". Le capitalisme est "par-delà bien et mal" à la manière de Nitche, c'est-à-dire au stade génital où il n'est plus capable de voir, comme un gosse, qu'il est entièrement conditionné par son désir.)
- Je me répète car rien n'est plus crétin comme Nitche ou Schopenhauer de croire que l'on fait mouvement du christianisme vers le bouddhisme (dont le soufisme n'est peut-être pas si éloigné ?) alors qu'on a été élevé dans une religion judéo-chrétienne boche à peu près équivalente : il n'y a là que du "tourisme religieux", quelque chose comme ça. Hitler n'est du reste pas allé chercher la svastika hindoue "par hasard" non plus.
Sans vous convertir au christianisme, en restant musulman, observez que vous êtes déjà plus proche que moi de Benoît XVI qui ne peut pas blairer sa philosophie byzantine boche parfaitement abjecte : même pas poétique ! Et qui par-dessus le marché a le culot insensé de s'en prendre à François Bacon, l'esprit le plus neuf et le plus universel (c'est-à-dire catholique) qui soit, et qui n'a RIEN à voir avec la modernité telle que la polytechnique allemande ou yankie l'entend, soutenue par des autoroutes, des radars, des missiles et des martingales bancaires criminelles.
Ecrit par : Lapinos | jeudi, 17 décembre 2009
Encore une fois, beaucoup de densité dans votre commentaire.
Pour le matérialiste dites-vous, le progrès ne vient pas du temps, mais il se fait contre le temps. J'avoue ne pas comprendre cette subtilité, même si je comprends que la réduction de Descartes de l'être au fait de penser puisse amener à accepter a priori n'importe quelle thèse intellectuelle pourvu qu'elle ne soit pas trop délirante (comme la théorie de l'évolution de Darwin qui a des côtés amusants, je trouve).
En ce qui concerne le fait de trouver le capitalisme "spirituel", là, je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Idéaliste sans doute dans la mesure où le capitalisme est une idéologie. Peut-être, mais j'ai peur de mal vous comprendre, voyez-vous le matérialisme comme la doctrine de ce qui "est" et non pas une théorie qui porte en elle une morale contingente...
Etant donné que vous ne cessez de vouloir me convaincre de l'équivalence spirituelle du jansénisme et de l'islam, je suis allé me renseigner sur le jansénisme, sur Wikipédia d'une part et dans le dictionnaire des Hérésies de Migne. Je pense que jansénisme et islam ne feraient pas bon ménage. La Jihad est là pour en témoigner. La guerre contre soi-même est une étape indispensable dans l'islam pour se rapprocher de Dieu. Il n'est pas question de pélagianisme ni de jansénisme. Je vous avoue que la manière dont le christianisme se pose ces questions me semble un peu caricaturale. L'islam est un monothéisme de la mesure si j'ose dire dans lequel l'homme entreprend ou pas une démarche vers Dieu. La question de "la grâce" ou de la "prédestination" ne se pose pas vraiment dans des termes aussi intellectuels.
C'est finalement toujours ce qui nous différencie au bout du compte, même si je trouve agréable de discuter avec vous. Je trouve une certaine approche chrétienne parfois très intellectuelle, très doctrinaire, très idéologique. Même le soufisme ne se permettrait pas de spéculer sur la grâce divine. Car dès lors que vous spéculez, vous faites de la grâce divine un objet "intellectualisable" sur lequel vous allez chercher à coller des règles (jansénisme, pélagianisme, semi-pélagianisme, etc.). Or, si les gens se battent sur la doctrine appliquée à la grâce divine, ils ne se rendent pas compte que leur erreur "théologique" est antérieure : c'est en pensant que la grâce divine est intellectualisable qu'ils commettent une erreur, c'est en croyant penser légitimement sur cette grâce, c'est en croyant en définir les fondements qu'ils se trompent. Et dans ces erreurs, certes, le dogme catholique est le plus mesuré de tous, je vous l'accrode, en tentant de ne pas pencher d'un côté ou d'un autre. Il y a donc manifestement un fossé entre le jansénisme et l'islam.
Pour moi, le jansénisme est une dérive ésotérique (et par conséquent intellectuelle) de la religion. C'est une dérive spéculative qui effectivement permet de concilier une certaine vision mécaniste de la divinité avec diverses théories mécanistes à connotation scientifique (progrès de l'esprit humain, évolutionnisme, etc.).
En ce qui concerne le paganisme que vous voyez dans la religion, la morale ou la politique, je serai plus nuancé que vous. L'islam sunnite, dans ses fondements, doit rester proche du pratiquant. L'absence de clergé permet cette proximité, même s'il existe des savants de l'islam. En ce sens, cela dépend de ce que vous nommez religion. La religion au sens organisation est emprunte des défauts des organisations humaines. Il y a donc un côté imparfait à la religion organisée que l'on ne trouve pas dans la religion telle qu'elle fait sens à l'individu. En islam, point d'Eglise trinitaire, point de symbole terrestre du Christ, point d'obligation d'intermédiaire entre le croyant et Dieu (cela ne veut pas dire qu'il n'y en ait pas, cela veut dire que ce n'est pas obligatoire).
Pour ce qui est de la morale, elle est simple : elle est dans le Coran et dans la Sunna et elle s'illustre dans la Charia. Pour ce qui est de la politique, elle est absente, même si la tradition prophétique montre un genre de politique transcendée. L'histoire bien entendu, en islam comme dans le christianisme, a instrumenté la religion à des fins politiques, militaires, de conquêtes, etc. Disons qu'au lieu de faire de la religion, de la politique et de la morale des traits du paganisme, j'aurais tendance à dire que dès que la religion s'organise, elle prend les défauts des organisations humaines. Mais c'est plus une question de relations d'autorité qu'une question d'essence de ces concepts. Dès lors que l'on admet un chef humain en matière de religion, on risque de prendre comme autorité un "chef" qui se trompe ou qui instrumentalise à des fins politiques. D'où l'immense liberté du musulman de s'adresser à Dieu en direct et de pouvoir être un musulman authentique sans immam représentant l'autorité (certes cela peut mener à l'innovation comme le font de soit-disant "musulmans" français médiatiques).
Par exemple, une différence fondamentale entre islam et christianisme est le traitement des hérésies. Le Vatican, l'autorité, juge de l'hérésie et peut excommunier donc exclure. En islam, les savants jugent de l'innovation (c'est tout à fait différent), mais ne peuvent exclure, car l'islam inclut mais n'exclut pas. Ainsi, les courants cohabitent en islam et ils le doivent, ils se doivent de communiquer sur leurs différences, tandis qu'ils forment des schismes dans la chrétienté.
Si vous voulez, l'aspect intellectuel d'un Ghazali est fondamentalement différent de l'intellectualisme d'un Saint-Thomas, encore plus d'un Saint-Augustin (mais je dois encore lire un peu pour vous confirmer cette première impression). Vous devriez lire Ghazali. C'est saisissant. Il n'y a pas, à proprement parler, de spéculation sur Dieu. Il n'y pas ce côté raison pure métaphysique que l'on trouve chez les théologiens chrétiens (souvent ce côté abstrait, froid), mais un "raisonnement du coeur"... je ne sais pas comment vous expliquer.
Pour ce qui est du tourisme religieux, je vous suis, c'est certain, mais comment accorder du crédit en matière de religion à des athées ? C'est comme si je me mettais à parler de métier à tisser ou de mécanique avionique. Il faut être sérieux. C'est pourquoi, ces "penseurs" sont tout sauf intéressants en islam. Etant donné qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent, pourquoi leur avis importerait au musulman ?
Le soufisme, proche du bouddhisme ? Pas du tout et cela pour de multiples raisons. Parce que bouddhisme est athée, tout d'abord, parce que le bouddhisme est matérialiste, parce qu'il conteste les ordres de la nature définis par Dieu (importants en théologie soufie), parce qu'il focalise sur la souffrance et que soufisme est joie vers et dans Dieu, parce qu'au final, la position de l'ego n'est pas claire dans le bouddhisme. Le soufisme est d'abord le coeur de l'islam. C'est donc une essence de monothéisme. Mais si je voulais être provoquant, je dirais que le soufisme est proche de l'hindouisme monothéiste, en un certain sens (sans le clinquant). Il partage aussi avec l'hindouisme l'acceptation du chemin de l'homme vers Dieu et donc l'acceptation des égarements de l'homme dans son chemin vers Dieu, ce chemin pouvant être complexe et les égarements des préludes à des compréhensions plus subtiles. Il sous-entend aussi que certaines vérités se dévoilent au coeur d'une certaine façon au cours du temps et que les exprimer, parfois, pourrait causer des soucis en raison de l'ambiguïté des mots. Mais c'est plus un islam mystique, c'est certain.
La grande différence entre l'islam et le christianisme est la vision du péché. pas de péché originel en islam. L'homme n'est pas "naturellement corrompu" par le péché d'Adam. C'est assez libérateur (quoi que les pays islamiques ne le montrent pas). Et surtout, cela n'implique pas une culture de la culpabilité latente et a priori. D'où la pureté de la Jihad. Je lutte contre mon ego pour Dieu, pour aller vers Dieu et non pour racheter la faute d'Adam... C'est le summum de la liberté que de décider de se lancer dans la grande Jihad. Mais nous pourrions couper les cheveux en quatre (inutilement) et raisonner (trop) en se demandant si nous n'étions pas "prédestinés" à nous lancer dans cette aventure... Mais c'est un peu tordu comme raisonnement, un peu trop intellectuel pour quelqu'un qui veut aller vers Dieu je crois ;-)
Pour ce qui est de Benoît XVI, vous m'en demandez trop, je ne sais pas vous dire si je suis plus proche de lui que vous ne l'êtes... Une chose à la fois :-)
Quelque part, en me relisant, je vois que la différence entre islam et catholicisme, c'est peut-être fondamentalement que dans l'islam, l'homme est acteur de sa religion et dans le catholicisme, on dirait que c'est l'Eglise qui est actrice, comme si les croyants étaient des figurants... Mais vous savez combien je connais mal le christianisme.
En synthèse, dans l'islam, Dieu guide qui va vers Lui : "Allah guide certes vers le droit chemin ceux qui croient" (Coran 22:54). Il y a un autre verset mais je ne le retrouve pas.
Ce n'est donc pas totalement un libre arbitre athée, mais pas totalement une prédisposition.
1001
Ecrit par 1001-nuit | vendredi, 18 décembre 2009
Oui, vous connaissez très mal le christianisme, mais selon moi c'est le cas de la plupart des chrétiens aujourd'hui qui n'ont pas une vision historique globale mais les schémas de différentes propagandes partisanes en tête.
Je fais mon possible pour être le plus clair possible :
1. Le christianisme est loin d'être univoque ; le catholicisme ne l'est pas plus, contrairement à un préjugé répandu. Entre Dante Alighieri et Joseph Ratzinger, pour prendre le cas de deux intellectuels formés à la philosophie, il n'y a presque rien en commun.
2. On peut prendre François Bacon et Joseph de Maistre comme les deux pôles opposés du christianisme, sachant que leurs étiquettes -le premier est anglican, le second catholique et franc-maçon-, sont dues aux circonstances historiques et n'ont pas de sens théologique (Luther est beaucoup plus "catholique" que la plupart des théologiens soi-disant catholiques aujourd'hui).
Pour tenter de préciser leur opposition radicale de manière simple, je dirais que Bacon est marqué par une influence grecque (hors Platon et Socrate), tandis que de Maistre est sous l'influence de principes latins (+Socrate et Platon). Averroès déjà avait mieux compris que Thomas d'Aquin en quoi Aristote diffère nettement de Platon. Le capitalisme a une dimension "platonicienne", aussi surprenant que ça puisse paraître vu son penchant pour la prostitution des choses les plus sacrées, tandis que le matérialisme, la critique radicale de l'architecture nationale-socialiste (Hegel)
et du capitalisme de Marx emprunte à Aristote et Bacon.
3. L'idée d'un catholicisme univoque ou dogmatique date du XIXe siècle, c'est-à-dire qu'elle naît à partir du moment où Rome a définitivement perdu tout pouvoir moral, spirituel et politique en Europe. Un peu comme un vieillard qui se crispe sur ses préjugés et ne veut plus en démordre.
4. Pourquoi l'Eglise catholique s'est repliée sur des positions romaines ? Dans une très large mesure parce que la théologie mâtinée de principes romains s'adapte aux exigences de la religion laïque. Un exemple : la déclaration du cardinal Barbarin, primat des Gaules selon laquelle "C'est un devoir chrétien de voter", que je tiens personnellement pour satanique, ne peut pas bien sûr être rattachée à l'Evangile ("Mon royaume n'est pas de ce monde" réplique le Christ à ses disciples qui voudraient qu'il rétablisse Israël dans ses droits.) Eh bien pour défendre sa position, Mgr Barbarin doit en passer par des principes romains (La sacralisation de la politique est bien plus latine que grecque).
Tout ça peut vous paraître très oiseux ou sans rapport avec Dieu, mais il y a dans le catholicisme un lien très fort entre l'histoire et le salut. La dynamique historique est celle du Salut (d'un petit nombre d'élus seulement selon saint Jean). Comme dit Bacon : "La prophétie est l'histoire", et que celui-ci soit Shakespeare comme je le pense ou non, l'un comme l'autre sont les pères fondateurs de la science historique occidentale, une science qui n'est pas compatible, je le souligne au passage, avec la théorie évolutionniste darwinienne, Bacon ne croyant pas que la science naturelle puisse être en contradiction avec la Bible.
5. Dans sa longue étude consacrée au jansénisme, Sainte-Beuve démontre que la "prédestination" n'est pas un postulat janséniste mais une CONSEQUENCE des conceptions de Jansénius & Cie. Un peu si vous voulez comme dans le capitalisme où les ressortissants des grandes puissances mondiales n'affirment pas qu'ils sont "prédestinés", mais "de facto" peuvent penser que le sort ou le hasard (équivalent de la grâce janséniste) les a favorisés.
6. Je reconnais que je connais mal l'islam de mon côté, surtout à travers Tariq Ramadan qui pour moi l'incarne, et que je traduis l'islam comme un judéo-christianisme, un protestantisme "banal" dont je soupçonne d'ailleurs que des causes similaires l'ont provoqué. J'ai cherché du côté de la tradition iranienne un courant apocalyptique, sans succès pour l'instant, mais, ne le prenez pas mal, ce n'est pas pour moi une priorité dans la mesure où le temps me semble "compté". Certains croient renifler en ce moment dans l'air une odeur de cataclysme ; pour moi la science capitaliste polytechnique n'est plus qu'une vieille poutre vermoulue, entièrement rongée par les vers ; or elle est la religion du commun des mortels aujourd'hui, l'étai de la confiance de nos contemporains dans l'avenir. L'"attentat contre la réalité" dont parle Marx non sans effroi semble avoir atteint un seuil irréversible.
Ecrit par : Lapinos | vendredi, 18 décembre 2009
Au seuil irréversible de la porte de l'Apocalypse, soyez certains d'y retrouver le dernier des... et votre
Serviteur
L'apocalypse ou la mort ?
c'est ton choix, citoyen, pas le mien.