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Fodio - Page 4

  • Pop Pope Codex

    La plèbe est tarée, certes, mais d’où lui viennent ses tares si ce n’est de l’élite politique, religieuse, intellectuelle qui les lui a inculquées, à force de morale, de raisons, de méthode, de mathématique, de droit. Elite complètement tarée elle-même mais avec cette dose massive de cynisme qui donne au propriétaire le droit de vie ou de mort sur sa propriété ou sur quiconque la menace, le cynisme est un antidépresseur puissant. Toutes les guerres advenues ou à venir n’ont qu’une seule cause ; la possession, terrienne, immobilière et/ou sexuelle. Le peuple vit dans la peur, celle de ne pas posséder d’abord puis celle d’être dépossédée du peu qu’il a conquis avec sa sueur et son sang, de se faire posséder, avoir comme on dit. L’enculé toujours près de se faire enculeur, arrosé arroseur, etc. Pas étonnant que fatigué des turpitudes d’une vie de labeur inepte il se venge parfois sur sa progéniture, vengeance sexuelle ou fiduciaire que l’élite est bien obligée de lui concéder sous peine de se mettre en danger.

     

    L’inceste n’est pas l’apanage des petits, les grands de ce monde n’ont aucun scrupule à montrer l’exemple, il serait trop facile de le démontrer (dernièrement le fils Sarkosy rapatrié au frais des contribuables par son papounet pour une vulgaire diarrhée, peut-être une intox à l’extasie, qu’importe, son papa nounou qui rêve de mettre sa progéniture… de la mettre au sommet des ses phantasme érotico-politique, rêve de puissance, par procuration comme tous les rêves). La plèbe est tarée mais elle se tient en respect parce qu’elle y est tenue au sens flicard du terme dans la polis, la cité par une élite aussi tarée qu’elle et de laquelle elle reçoit des leçons de cynisme et de désespoir au quotidien, relayées par des journalistes pétés de thune, comme dit Lulu qui ne bande plus. Notre Président, Député, Maire, Patron, qui êtes bien vu en haut-lieu, Donnez-nous dans six mois nos congés payés, Pardonnez nos saignantes agapes comme nous pardonnons à ceux qui nous ont mangé le cœur, Ne nous soumettez pas à l’augmentation de l’essence et Délivrez-nous du chômage et des embouteillages, Ainsi soit-il. 

     

    Et quand elle se veut rationnelle, la plèbe, elle est aussi nécessaire qu’un banquet culturel en musique. Entre un accordéon et un synthé, la raison du plus fort sonne toujours la meilleure. Descartes n’a jamais fait que déraisonner, ses formules magiques résonnent encore, certes un peu moins fort que celle d’Einstein sauf pour un français pour qui elles sont comme le latin d’église. La messe est dite, la farce est jouée ? Le destin de chacun serait-il désormais de trouver la meilleure musique pour accompagner ses petites lâchetés et ses médiocres renoncements, les funérailles quotidiennes de sa vie de possédé, en syncope comme le jazz, synthétisées comme la pop, métallisées comme le rock, ou lyriques comme le rap ? Nique ta mère, c’est que des mots dans la bouche de prêtre BBB (black blanc beur) fourrés au crack, à la coke ou au cannabis et qui arborent des croix chrétiennes en or massif au bout de lourdes chaines qui scintillent autour de leur cou de Judas ?  des mots dont le symbole est la corde du pendu. Tous les musiciens sont des petits pédés élevés sous la mère, des curés qui s’ignorent mais qui vénèrent leur mère. Des célébrants du culte matriciel, du cul de leur mère, des coqs en toc, de la volaille criarde. Le renard sait bien qu’à la nuit tombée ils rêvent de l’œuf en or énorme qu’ils vont pondre au matin et que les emporter pour les saigner n’est alors qu’un jeu d’enfant. Dans la basse-cour, dès le crépuscule on ne croit pas plus au loup que le peuple ne croit au diable devant le journal télévisé du soir. Le film qui suit peut bien lui révéler sa condition, il n’en ira pas moins se vendre à la société mère dès l’aube venue. Les oiseaux, s’ils font le même office, ont au moins le bon goût de ne pas y ajouter de parole quand ils célèbrent l’œuvre de dieu. De qui le merle se moque-t-il si ce n’est du rossignol ?

    O  mocking bird have you ever heard words that I never heard, chantait robert Marley. Le même qui chantait So much trouble in the world and Redemption song, emancipate yourself from mental slavery,  none but ourselves can free our mind. Enrobé de reggae, le message est passé à la moulinette de l’industrie showbizienne. Le blues des esclaves s’est bien vendu aussi, et la révolte des rappeurs drogués, des punks no future, des gothiques satanistes, des psychadéliques, trans, world, synthétiques, rock, pop, rythm&blues, j’en passe, pour un tel inventaire il faudrait un poète magasinier, genre Prévert. C’est la musique qui est vendue à la source. Les piafs et les serins le savent bien dont le chant n’est qu’un reproche au créateur de les avoir soumis à l’impitoyable loi de la reproduction, de la multiplication. Les musiciens ont tous une âme de comptable, pas par hasard. On peut compter sur eux pour nous accompagner dans cette longue descente aux enfers qu’est la vie moderne, un casque sur les oreilles, des lunettes de cosmonaute sur les yeux, le pif bourré de poudre de perlimpinpin et l’estomac rempli de conservateurs, le corps bariolé de tatouages et des fringues marquées comme celles des esclaves. Psychopompe et Nike ta mère, au nom de la loi!

     

    Allez, qu’on envoie l’Apocalypse et en silence, les bruits des ventres affamés, des balles traçantes et des ambulances devraient suffire à faire une bonne musique de film.

  • Чем более мы слабые тем более нуждаемся в том чтобы быть богатыми*

    Un pote me fait remarquer qu’il s’agit là de vie privée. Mon dieu, il a l’air de penser que je n’ai pas de vie privée. Je voudrais le rassurer ici. Je ne parle à personne de ma vie spirituelle. Ce que je fais avec les hommes, la communication qu’on partage comme disent les vendus, les astrapades, les schmilblickés, les philologues fanatiques, tout ça ne ressort pas de mon intimité. Je n’ai pas de cette sorte de secrets. Mes comptes sont publics et transparents. En revanche dès qu’il s’agit de communion, il m’est impossible d’en parler et pour cause. Et puis suis trop pauvre et pas assez pédé pour avoir l’instinct de propriété. Que ceux qui me trouvent impudique se demandent pourquoi ils éprouvent le besoin de couvrir les ressorts de leurs actions intimes. Dernièrement j’ai eu affaire au KGB local, le SBU comme on les appelle. Un gros porc à qui j’ai tenu cœur (impossible de lui tenir tête). Sans doute un peu plus jeune que moi mais je devais bien lui rendre 10 cm et cinquante kilos. Je me suis aperçu que je tremblais. En vérité j’ai eu un peu peur pour lui. Autant égorger un cochon me rebute, quand j’ai dû sacrifier mon Roméo (voir les épisodes précédents, Roméo était le nom de mon bouc) je me serais battu, autant trucider cette parodie d’être humain, assassin jusqu’au bout des ongles, on le lisait sur le petit rectangle suant qui lui servait de front, eût été, je le confesse, un vrai plaisir. Pas facile d’en faire un ami, j’avoue. Mais sans doute possible en d’autre temps d’autres mœurs. Je tremblais de devenir à mon tour un assassin. Dieu merci, la présence de ma Pénélope m’a retenu de commettre l’irréparable. Que ce Vladimir vladimirovitch se rassure, je n’irai pas le dénoncer à la vindicte publique, je m’assoie sur la loi des hommes comme aux gogues, je ne lui donnerai pas l’occasion ni le plaisir de décapiter mon cadavre comme il a dû le faire pour Gonzague, le journaliste  martyr ukrainien (sûr qu’un juré populaire n’hésiterait pas une seconde à l’envoyer à l’échafaud rien que sur sa mine patibulaire). Pas le moindre soupçon de doute que derrière ce front bas de plafond se cache un cœur d’or, ou disons de miel, je le vois bien doux comme un agneau avec sa petite femme et ses gnards, rien de surprenant. L’est probable pas assez riche pour être vraiment faible mais sentimentalement parlant, ce doit être une vrai pâte comme on dit, c’est le genre qui fait les meilleurs assassins. Un bon gros toutou qui doit lécher loyalement la main de son maître. En revanche qu’il s’inquiète de son avenir spirituel car de ce côté non séculier, je ne réponds de rien, la colère du ciel vient de loin, très loin, tombe de très haut et l’enfer est tout proche. On le comprend TOUJOURS trop tard.

     

    *   plus on est faible plus on a besoin d’être riche

    Lapinos

  • Delay tare (ou terre)

    Pour dire que je déterre ce simulacre de pub du blog de mon cousin Lapin (j’ai failli dire latin dis donc) et qu’il aimera sûrement pas savoir que je me tape ses vieilles peaux à trois heures du matin parce que ma Pénélope prend toute la place dans le lit (et dans ma vie depuis trois jours) et que j’ai plus la force de la clouer par terre ; Seulement à lire ce petit morceau de spéculation, me suis aperçu que certains retours en arrière ne sont pas forcément inutile.

     

    « (…) Ces améliorations, comme vous les appelez, me semblent comme autant de maillons dans la longue chaîne de la corruption qui réduira bientôt en esclavage la race humaine tout entière et la plongera dans une misère incurable ; vos améliorations se déroulent suivant une croissance simple, tandis que les besoins factices et les appétits artificiels qu’ils engendrent procèdent, eux, suivant une croissance exponentielle. C’est ainsi qu’une génération acquiert cinquante besoins et qu’on invente cinquante manières de les satisfaire, qui chacune à son tour en engendrera de nouvelles, si bien que la génération suivante en a cent, celle d’après deux cents, celle d’après quatre cents, jusqu’à ce que chaque être humain devienne un tel composé d’inclinations perverses qu’il se trouve entièrement à la merci des circonstances extérieures, perd toute indépendance et toute originalité et dégénère si rapidement de la dignité primitive de son origine sylvestre qu’on ne voit guère d’autre perspective pour l’espèce humaine que celle de périr exterminée par sa propre imbécilité et sa propre ignominie (…) »

     

    Trio sublime, de Thomas Peacock (1785-1866).

     

    Si quelqu’un peut m’envoyer ce bouquin je lui laisse volontiers la nouvelle adresse de mon terrier.

     

    Idem pour la bio de Bloy par Joseph Bollery (à bon entendeur, grandes oreilles !)

  • Conte en cieux

    En un an j’ai emmené ma Pénélope une seule fois au cinéma, voir La Planète des singes. Dieu merci ça lui a pas plu. Je me félicite de la perspicacité de mon choix. Maintenant que notre fringale a ses quatre saisons dans le cornet, je crains petit l’avenir replet, repu, répétitif, le goût infect des habitudes. Me faudrait créer d’autres saisons, après tout pourquoi quatre, je demande. Les romains, qu’étaient des paysans dans l’âme, faisaient commencer l’année en mars, ce qui explique le nom des quatre derniers mois de l’année, au motif que c’était le mois du prince végétal, primavera, premiers verts, primus tempus, printemps. Mars, le paysan est souvent belliqueux et bourré de principes. J’aurais, pour ma part, aimé vivre dix-huit mille deux cent cinquante saisons, raison de ma renaissance presque quotidienne depuis ce jour de janvier qui me vit inscrit sur les registres de l’état civil, né d’un père chauffeur et d’une mère réchauffée. Je dis « presque » cause qu’il y eut bien quelques jours où je me suis pas réveillé, ne m’étant pas endormi. Je retiens surtout que naitre en janvier, sous le signe de Janus que les Anciens appelaient Chaos, ça vous laisse à penser (pour moi c’est déjà fait). Au reste, comme le soleil tourne à plus ou moins trente mille tours par vie humaine, me faut encore trouver une dizaine de millier de nom de saison, primus galbeus, primus rubeus, etc. vu que je vais pas me taper le boulot de trouver une couleur pour les innombrables passées. Après on pourrait aussi compter les heures, puis les minutes, on en finirait plus de compter. Et même on finirait comptant. D’ailleurs si on multiplie dix-huit mille deux cent cinquante par vingt-quatre ça fait un compte tout rond de trois cents mille heures, dix-huit millions de minutes et un milliard quatre-vingt millions de secondes. Rien de plus con qu’un chiffre, si ce n’est un nombre. En passant, je remarque qu’il faut vingt-quatre images par seconde pour donner l’illusion de la vie, on appelle ça le cinéma. Alors vingt-quatre heures par saison pour rendre l’aberration d’une vie, on est plus à ça près.

    Passons, comme dirait Janus le portier, je sais maintenant pourquoi le cinéma et les anniversaires m’emmerdent. Les bons comptes font les bons morts, un point c’est tout. Suffit de lever les yeux au ciel, la saison Comptant fout le camp, voilà la saison qui vit…à Crédit.      

  • Homo Bonus

    L’homme est-il ou non perfectible ? si vous posez la question à une femme, elle vous dira oui sans réfléchir. C’est qu’elle a sa petite idée. Mais disons-le tout net, cette idée tient plus de l’instinct de propriétaire, comme toutes les idées. Je voudrais rassurer les hommes de bonne volonté qui souffriraient de n’avoir pas d’idées, il y a pire : manquer d’esprit. Prenons une idée en apparence bénigne. Vous avez remarquez au cours d’une promenade en forêt qu’une branche de noisetier pouvait plier sans casser et déployer une force dont votre visage porte encore la trace. Vous sortez un bout de ficelle de votre poche et décidez de joindre les deux bouts de la branche préalablement tronçonnée tout en lui imprimant une flexion musclée. Par inadvertance vous pincez la corde ainsi tendue et oh surprise une note gracieuse s’échappe de la chose. Illico vous décidez d’en faire une autre et vous comprenez vite que de la taille de la branche dépendra la hauteur de la note. Enfin vous décidez d’attacher ensemble toutes les branches et vous voilà capable de jouer votre air préféré. Sur ce arrive un sanglier que votre sérénade a dérangé. Si vous n’avez pas pensé à construire des flèches, je ne donne pas cher de votre peau. En revanche, qu’une belle vienne à passer par là et vous aurez de quoi la séduire pour peu que vous connaissiez de jolis vers à joindre à votre sonate. Mais dès lors, fini pour vous les ballades peinard en forêt. Il vous faudra penser à lui fournir une cuisine équipée, une salle de bain électronique et un grill pain atomique. Autrement dit vous eussiez mieux fait de cueillir des noisettes au lieu d’avoir des idées.

    Mais revenons à ma question et essayons de répondre en homme en ayant le courage de l’admettre. Si l’homme était perfectible, depuis le temps, ça se saurait.

    C’est juste une idée de cannibale. 

  • No solution

    Pas facile de faire comprendre à une femme qu’il y a assez de gens sur terre pour qu’elle en rajoute. Faut absolument qu’elle ponde son œuf. Pour peu qu’on y réfléchisse un peu, tous nos problèmes viennent de là. Pensez si on avait pu les raisonner, on serait peut-être une dizaine de millions sur la terre. Ce serait presque le paradis. Dire qu’aujourd’hui ce sont aussi les hommes qui ont des désirs d’enfants, comme ils disent. L’espoir s’amenuise, c’est rien de le dire. Il y aurait à l’heure actuelle environ 200 pays dans le monde. Et tous de vouloir compter le plus d’habitants possible. J’en déduis qu’après les femmes, ce sont les pays qui sont les plus stupides. Si j’avais un pays je ferais en sorte qu’il y ait trois habitants par fonction utile. Deux qui travailleraient, en alternance, et un troisième qui ne ferait à rien, ne serait-ce que pour motiver les deux autres. Je compte assez mal mais il me semble que quelques dizaines de milliers d’habitants seraient suffisant pour avoir du pain et des enjeux.

     

    On pourrait créer des robots qui consommeraient par exemple, qui rouleraient en voiture dans les embouteillages toute la journée pendant qu’on resterait peinard à causer avec son voisin du temps qu’il fait. Le soir, ils regarderaient la télé à notre place, on les enverrait le samedi faire du shopping, se cultiver, en croisière, dans des clubs de vacance, des musées, ils visiteraient la terre pour nous, ils auraient des problèmes d’argent, des dépressions, et même de temps en temps on les enverrait à la guerre pour qu’ils nous fassent de chouettes films pleins de sentiments après, qu’on leur ferait regarder pour les détendre de leur vie harassante. Ça nous laisserait un temps fou pour méditer. On leur grefferait un sexe pour qu’ils se créent un tas de problème et même qu’ils se reproduisent, ça nous éviterait d’avoir à les construire. Je dis pas qu’on vivrait comme des dieux, mais enfin on vivrait peut-être comme des hommes pas trop cons. A tout prendre ce serait une sorte de petit progrès.

     

    Resterait toujours ce délicat et insoluble problème de notre reproduction. Insoluble car pour trouver un équilibre il faudrait se raisonner. Et la raison c’est aussi emmerdant que la morale. En cherchant du côté de la liberté on pourrait peut-être arranger un peu les choses. Mais que les hommes se sentent trop libres et plus personne ne voudrait faire de gnards. Ni appartenir à un pays d’ailleurs. Ça limiterait les enjeux et en conséquence pas mal de fonctionnaires. Les hommes seraient de moins en moins nombreux, les robots en revanche pulluleraient. A la fin il n’y aurait plus que des robots. En somme, ça ressemblerait pas mal au monde d’aujourd’hui. 

  • Salade Russe

    Faut pas être fin psychologue pour voir que Poutine a une tête de maniaque. Largement autant que Sarkozy dans un autre genre, polaire. Le blondinet avec sa tête de monsieur-tout-le-monde a dû essuyer bien des revers dans son ascension vers le pouvoir suprême comme disent les imbéciles de journalistes. La contestation moscovite prévoit de faire descendre un million de personne dans la rue. Poutine hausse les épaules, rien d’extraordinaire commente-t-il. Et force est de lui donner raison. Sur les 145 millions de Russes en admettant qu’une vingtaine de millions vote, ce qui déjà en dit long sur la légitimité du pouvoir, même s’il a bénéficié d’une majorité, ça fait pas mal de millions de gens qui n’ont pas voté pour lui. Alors un petit million qui descend dans la rue pour dire son désaccord, d’un point de vue strictement logique, pas de quoi fouetter un chat. Si, en Europe, les dirigeants politiques ne sont que les marionnettes des banquiers, en Russie, c’est pas la même chanson. Les deux ou trois banquiers qui ont favorisé l’accession de P. au pouvoir ont vite été obligés de déchanter, l’un d’eux a même fini en cabane. On est loin d’un Mitterrand qui confiait à sa bergère son impossibilité d’appliquer ses promesses électorales à cause de la pression des financiers.

     

     Gorbatchev, le seul président russe depuis Staline à n’avoir pas tapé dans la caisse, conseille à P. de lâcher le pouvoir. G. n’est pas naïf au point de croire que P. en est capable. Pour les Russes, G. est suspect. Pas normal ce qu’il a fait, vaguement pervers. Tous les Russes qui votent, tous sans exception, s’identifient parfaitement à celui à qui ils donnent leur voix. C'est-à-dire qu’à sa place ils feraient la même chose, favoriser sa famille, ses amis, son clan. Les Ukrainiens sont pareils. Les slaves, comme les ritals, sont des peuples qui vivent sous l’empire de leur mère. Et les mères, la justice sociale, elles s’en battent ce qui leur sert de couilles. Du moment que le fiston gagne bien sa vie et que la retraite est assurée !

    L’alternative à Poutine, c’est des communistes qui ont lu Marx comme Berlusconi a lu la Bible, d’une main, des nationalistes à la droite d’Hitler, des libéraux aussi menteurs que voleurs et des joueurs d’échecs maniaques. A peine il avait quitté le pouvoir que Gorbatchev faisait de la pub pour une marque de pizza, son côté pervers. Un recyclage pourtant logique pour un homme politique. En avance sur son temps le Gorbi, disons en phase. Poutine est trop ringard et pas assez intelligent pour piger ça. Quand il fait de la pub pour Harley Davidson, il se fait même pas payer. Serais même pas surpris qu’il fasse un carton dans la foule comme le poète de Liège, mais avec un ou deux tanks, pour dire. Quand il compare les manifestants à des singes, on peut dire que c’est un avis d’expert.

    Pour conclure, 125 millions de Russes sont pris en otages par vingt millions de cons. Peu de chance pourtant qu’ils parviennent à détrôner leur roi.

  • Exit Noël

    Par Lapinos

    Il y a plus spirituel encore que le boycott des Jeux Olympiques de Pékin ou ceux de Londres en 2012, c'est le boycott de la sempiternelle fête de Noël, mélange écoeurant de paganisme et de christianisme.

    A vrai dire je ne suis même pas sûr d'avoir jamais croisé chrétien qui, passé onze ans, fête Noël sans remords, tant la laideur et l'indécence de cette fête sont frappantes ; sauf peut-être aux Etats-Unis où, comme dans les écoles de commerce, toutes les occasions sont bonnes pour se beurrer à mort, et tenter d'oublier qu'on mène une vie d'esclave parfaitement inutile.

    Les gardiens du Temple républicain ne s'y frottent d'ailleurs pas trop, au père Noël, ces couilles molles, mais préfèrent affronter l'islam ou un pape gâteux, la tête farcie de schnaps philosophique, plutôt que la coalition des chambres de commerces de France.

    Les Républicains sont des connards incapables de concevoir que la seule neutralité religieuse compatible avec la possession, immobilière ou sexuelle, c'est le cimetière. Le paradis républicain est un immense charnier, passé, présent et à venir. Ce qui caractérise le curé, c'est l'inculpation incessante d'autrui, afin d'échapper à sa propre responsabilité. Seul l'anarchiste a vraiment le sens de la responsabilité, qui consiste à éviter de collaborer à l'échafaudage d'édifices gigantesques, qui nécessairement finissent par se casser la gueule, après avoir écrasé les plus faibles pendant des siècles.

  • Guerre de choix

    Le type se sent devenir Bardamu : je regarde que les films de guerre, je me sens aussi bas de la morale qu’un cinéaste, je préfère ces films à la guerre elle-même, même si je l’ai jamais faite, a-t-il l’honnêteté d’ajouter. Une fois devrait suffire pour peu qu’on y survive, je suppose qu’aurait dit le vrai Bardamu. En revanche on peut pas dire que ce soit vrai pour l’humanité vu le nombre de guerres qu’elle a connu. Elle apprend pas vite la gueuse. Une oublieuse, l’humanité. Odieuse pour tout dire. Les humanistes se shootent à quoi, qu'on me le dise ! au futur antérieur ? Aux rêves de progrès ? C’est peut-être ça qui les rend infâmes ! Juste le contraire de ce qu’il faut faire en somme. Au lieu de rêver d’un paradis sur la terre, mieux dresser un constat pessimiste dès les premiers massacres. Ce qu’a pas manqué de faire le Christ, forcément, peu d’élus après ça.

     

    Les guerres n’ont jamais été que des règlements de compte, des additions des soustractions, des pingouins cupides à enrôler des divisions d’obligés notoires, vous et moi, pour aller se massacrer à leur place au nom d’un territoire remplis de meubles et d’immeubles même pas à nous. Le goût de l’honneur est une saloperie à la puissance, les honneurs qu’on doit à tel héros de la guerre est à la force de l’estomac, une gageure, un renvoi. Les vomir tous ces vendeurs de rêves, ces rêveurs de ventes. Leurs progrès on en a vu les limites. Leur nouvelle technologie à exalter la médiocrité, leur culture en perfusion, leur cinéma esthétique, leur poésie inepte, leur musique robotisée, leur Internet salace. Et tout ce qu’un De Gaule a été foutu de nous apporter à nous françouzes : du nucléaire. De quoi se faire sauter le caisson des millions de fois. Qu’est-ce qu’on pouvait attendre d’un type pareil, je vous le demande, un acteur contrarié ! Mon Bardamu finit par me révéler qu’il n’a aimé qu’un seul film de guerre, Voyage au bout de l’Enfer avec ce diable de Robert de Niro en personne. C’est son Voyage au bout de la Nuit en somme. A la différence que ni les acteurs ni l’auteur du film n’ont été persécutés comme Céline.

     

    L’apocalypse au cinéma c’est gentil, tant qu’à faire, je préfère encore une farce sur la shoa comme La Vita Bella de Bégnini. Encore qu’on pourrait étendre le propos bien au-delà de l’Allemagne nazie. Certes aujourd’hui le personnel de Pôle Emploi vous poursuit pas à coup de mitraillette, c’est beaucoup plus subtil, les proprio sont dans leur droits, etc., mais l’ordre règne tout autant, comme on dit. Et à voir comment chacun court après son identité, ça sent pas bon du tout. Mon film préféré c’est La Planète des Singes, au moins ça fait pas rêver. C’est pas comme The Foutain Man d’Ayn Rand qui prend Aristote pour un rêveur du temps qu’il écoutait son maitre Platon avant de le prendre à contre-pied, à contre-rêve. L’homme est un animal naturellement politique qu’il a dit après ça Aristote, et les couillons ont compris que la politique était ce qui différenciait l’homme de l’animal alors que c’est quand il devient naturel, animal, que l’homme est politique, voilà ce qu’il dit vraiment Aristote. Les singes sont là pour nous le démontrer. Et à défaut les fourmis les abeilles ou les loups.

     

    En fin de compte quand on se sera débarrassé de la politique et de la société on aura plus besoin de cinéma, encore un peu de persévérance. Après si on me demande ce que je ferais en cas de guerre, j’ai pas la réponse mais j’y réfléchis, patience.

  • Mortelle Formule

    L’amour physique est sans issue. Il mène pourtant à la tombe aussi sûrement qu’une fourchette. Baiser et bouffer, des jeux sexuels et du pain, et la mort au bout du chemin. Mathématique ! Rien qui ressemble plus à un tas de sable qu’une pyramide égyptienne. Faut être un maniaque sexuel ou une gonzesse pour chipoter sur la tangente et le cosinus. On n’incline jamais que vers le trou.

  • De Rien

    Le vrai confort matériel, c’est l’absence de toutes ces saloperies qui nous pourrissent la vie, ce qui mène à la spiritualité.

    Le vrai confort spirituel, c’est l’absence de toute spiritualité et ça conduit au cimetière, question de temps.

  • Dans la Matrice

    Par Lapinos

    dimanche, 18 septembre 2011

     

    Avec un siècle et demi de retard sur les observations de Marx, des voix s'élèvent dans les médias pour dire leur inquiétude de la vitesse moderne ou du caractère de plus en plus virtuel des relations sociales ; je dirais : du caractère cinématographique de l'existence, pour souligner le rapport de la morale nationale-socialiste ou républicaine dominante avec la science-fiction.

    En effet la force d'entraînement des cartels bancaires serait nulle sans la puissante courroie de transmission de la culture, qui peut être définie comme "l'art d'exploiter".

    On peut signaler ici la tartufferie, non seulement du pape Benoît XVI, mais de tous les apôtres de la "décroissance" économique, qui en somme contrairement à Marx, mais aussi au judaïsme ou au christianisme, continuent de faire croire que l'argent peut être neutre, qu'il peut être utilisé intelligemment, qu'il n'a pas essentiellement une valeur militaire, qu'il ne fait pas définitivement obstacle à l'égalitarisme. Cette tartufferie revient à répéter la doctrine libérale puritaine originale, qui ne peut se passer du blanchiment de l'argent. On voit ici que la culture et ses acteurs adhèrent parfaitement aux mouvements de capitaux.

    + En tant que chrétien, je suis bien placé pour voir que le cinéma a le caractère démoniaque. Il fut un des facteurs de développement du satanisme aux Etats-Unis, dont la version la plus sournoise et fréquente est celle du satanisme au nom du Christ. Il n'est pas difficile de trouver sur internet des blogs de "chrétiens" yankees qui prônent le port d'armes, aveu pathétique d'un culte authentiquement démoniaque, qui n'a rien selon moi à envier à la doctrine nazie.

    Le cinéma est sans doute un opium assez fade comparé à d'autres, mais sa dilution est tributaire de la taille du troupeau de moutons qu'il faut mener à l'abattoir ; de plus le cinéma a un effet de sidération progressif ; il commence avec le viol de la conscience de jeunes enfants qui sont encore au stade animal et chez lesquels la visée pédo-pornographique du cinéma a un impact particulier, les maintient dans l'obsession sexuelle et le désir incestueux qui . Avant de le condamner, il faudrait examiner combien de films Anders Breivik a ingurgités pour devenir un propriétaire paranoïaque ? Pour rapprocher la possession matérielle de la possession sexuelle

    Un attentat contre la part spirituelle, quand la société ne feint de s'offusquer que des atteintes à la chair et au porte-monnaie (dont elle est elle-même la principale cause, ne sachant s'organiser autrement que par le sang et son emblème monétaire, prédestinés à noircir).

    Car la tuerie sanglante est bel et bien le projet sous-jacent au cinéma. C'est à travers ce genre artistique méprisable et incitant au cannibalisme qu'on discerne clairement la suite donnée par les Etats-Unis au régime de l'Allemagne nazie. Probablement en pire, car on ne trouve rien dans la culture yankee, essentiellement animiste, qui résiste au cinéma et son effet d'aliénation progressive

    Le plus démoniaque n'est pas de défendre le cinéma au nom de Satan ou du chaos, comme d'assez nombreux producteurs ou metteurs en scène n'hésitent pas à le faire, plus ou moins discrètement ; une imposture plus grave est la défense du cinéma au nom du christianisme. Rien dans le christianisme ne justifie l'agrégation sociale et la souffrance qui en découle.

    L'agrégation sociale se faisant essentiellement sous la forme d'un sacrifice sanglant et charnel, dont l'argent est le signe le plus commun, forment les piliers de la synagogue de Satan les apôtres de la "doctrine sociale chrétienne" ou des divertissements chrétiens, ignorant tous les avertissements de l'art et de l'histoire selon lesquels cette doctrine macabre, reprise par le régime républicain, a servi à justifier les crimes les plus violents de l'Occident.

    + Le dernier en date, faux-jeton de première bourre, que j'entendais s'inquiéter ainsi à retardement de la vitesse moderne, est la starlette bobo Frédéric Beigbeder, sous-pastiche de Proust, dont le succès est emblématique du goût féminin pour les anguilles.

    Contre ce type cynique, à l'humanisme aussi frelaté que le néo-colonialisme de BHL, appuyé sur la choa, disons franchement que la vitesse et le caractère virtuel sont liés. Les systèmes informatiques et robotiques fonctionnent ainsi, par la transmission d'informations de manière presque instantanée, et pour mieux dire leur but : de façon "précipitée".

    "En temps réel" : l'expression décrit idéalement l'implosion d'un tel système, vu que seule une machine peut prendre le temps pour une chose "réelle", quand il a pour effet de l'altérer, exactement comme l'information.

    Un modèle informatique de l'univers est ainsi un schéma erroné ou altéré de la réalité (à tel point que ceux qui prennent ainsi leur science-fiction pour la réalité depuis Copernic ou Galilée sont contraints d'en opérer la mise à jour régulière).

    Ce type de modèle s'impose progressivement à tout un chacun (en commençant par les fainéants comme Beigbeder, installés dans le confort intellectuel et se moquant ouvertement de l'art et de sa gratuité, dans cette position de producteur de navets) en raison de son caractère fonctionnel. Les modèles mathématiques ou informatiques sont impropres à rendre compte de la réalité, en revanche ils sont "fonctionnels" et opératoires.

    Il ne paraît pas utile de souligner plus ici le rôle de la spéculation mathématique dans la formation de l'inconscient du citoyen-robot d'un régime totalitaire "matriciel". La quête de fiction (le "graal") ou de "virtuel" est le fait d'esprits faibles qui cherchent à se renforcer. On la retrouve en science où, bien que la haute technologie constitue l'aveu d'un nivellement scientifique vers le bas, les vieilles spéculations datant de l'Egypte antique continuent de s'imposer, trempées de psychologie, à cause de leur effet sécurisant, dont le revers terrifiant est rarement envisagé, nul n'étant plus apte à s'auto-absoudre de ses génocides passés, présents et à venir, que la polytechnique et les polytechniciens imbéciles, lieutenants du désordre et de la haine, planqués derrière l'argument de la règle et de l'horloge.

    + Quand les médias et la corporation des journalistes affirment accomplir leur "devoir d'information", ils énoncent inconsciemment ainsi le caractère totalitaire de leur mission. La contre-culture médiatique par l'internet l'a ainsi dernièrement en grande partie démontré, contraignant les pouvoirs publics (Henri Guaino) à défendre l'opacité, compte tenu de ce que les internautes reprennent à leur compte l'argument de transparence et d'information des médias.

    Plutôt que de déplorer comme le vieux con Beigbeder la virtualité de plus en plus grande des nouvelles interfaces et des nouveaux réseaux sociaux, mieux vaut comprendre que la relation sociale, sexuelle notamment, est essentiellement virtuelle. Autrement dit le ver est dans le fruit. Contrairement au mensonge libéral ordinaire véhiculé par F.B., la société mondialisée n'a rien d'un encouragement à l'individualisme. Elle est un hyper-socialisme ou un hyper-civisme, et le mensonge libéral vise donc à préserver le socialisme et le civisme dont ne peuvent se passer... les transactions bancaires et commerciales.

    Les jeux d'enfants, qui se résument hélas presque entièrement à l'apprentissage des rapports sociaux, la branlette étant considérée désormais grâce à l'apport de la philosophie morale germanique comme le b.a.-ba de l'humanisme, ces jeux témoignent du caractère virtuel (et passionné) des liens sociaux, de même que l'attachement d'adultes mièvres - Proust, Beigbdeder -, à des objets que ce dernier est incapable de comprendre pour ce qu'ils sont : l'essence de la vertu (Proust est un peu moins débile, parfaitement conscient que le fétichisme trouve son perfectionnement dans la musique, dont l'effet est aussi rassurant qu'une peluche ou une bibliothèque.)

    Que la vision chrétienne soit aussi réaliste et peu religieuse, cela explique qu'elle soit dissuasive de tout mysticisme et de fonder quoi que ce soit sur les rapports sociaux, rejointe ici par Marx et Engels. D'ailleurs on sait grâce à Shakespeare que la doctrine sociale de l'Eglise est la rançon de l'érotomanie monastique médiévale, d'après "Roméo et Juliette" notamment, dont la force pamphlétaire n'a fait au cours du temps que décupler, un acte de Bacon-Shakespeare suffisant à faire voler en éclats ce miroir de méduse qu'est le cinéma, "image animée de la bête" selon l'Apocalypse. 

    La virtualité décuplée des rapports sociaux indique seulement la formule d'un monde sous l'aspect d'une boule à facettes, prête à voler en éclats sous l'effet de l'accélération d'un mouvement dont la principale fonction est l'agrégation sociale.

     

  • O temps pour moi!

    On commence à s’apercevoir dans la presse européenne que Yanoukovitch fait à peu près n’importe quoi. Déjà s’il avait lu la bible il saurait qu’on ne peut servir deux maitres à la fois. En l’occurrence c’est l’Europe et la Russie qu’il espère gruger. Quasi aussi hystérique que Sarkozy, il se démène sur tous les fronts. On dirait un apprenti politicien. Il est en train de renforcer l’opposition avec le procès de Julia Timochenko, l’égérie de la révolution orange et ex premier ministre. Comme Sarkozy il fait tout ce qu’il peut pour essayer de conserver le pouvoir en vue des prochaines élections. Sauf qu’il s’y prend comme un manche. En tous cas on travaille beaucoup à Kiev en ce moment, surtout côté infrastructure. A la manière soviétique on refait les avenues du centre ville pour l’euro de foot. Peine perdue, trop de boulot, les étrangers auront vite fait de découvrir des coins insalubres en pleine ville. Et comme ils ne sont guère sensibles au charme de l’insalubrité, ça va jaser sec ! Sans parler du réseau routier. Les Européens lâchés dans Kiev en bagnole je leur souhaite bien du plaisir. Le code de la route est pas le même et les flics veillent à la moindre petite infraction. J’ai même vu un panneau « interdit d’aller tout droit » alors qu’on ne pouvait tourner qu’à droite ou à gauche. Les panneaux indicateurs sont en cyrillique et souvent pas là où ils devraient être. Quant aux noms des rues faudra les chercher longtemps. Le truc qui compense c’est qu’on peut se garer n’importe où, sur les trottoirs, les passages cloutés, et même au milieu de la route, ça se fait. Les accrochages sont nombreux vu qu’on dépasse de tous les côtés et qu’on serre un max en essayant de passer devant à tout prix. En cas d’accrochage on ne bouge plus, on attend les flics même si on bloque tout le trafic. Et du coup les flics mettent encore plus longtemps à venir, forcément.

    Dernière trouvaille du président : supprimer l’heure d’hiver, ou d’été je sais plus. Bref on va se retrouver à la même heure que la France. Mesure démagogique s’il en est et fi des économies d’énergie ! Déjà qu’on sait même pas si on aura du gaz pour l’hiver ! Et ça au motif que ce changement d’horaire serait mauvais pour la santé ! Possible, et possible aussi que le froid conserve ! n’empêche je regrette d’avoir laisser ma tronçonneuse à mon concierge portugais avant de venir ici.

    S’il espère être réélu avec des mesures de ce genre, not’ président, c’est qu’il prend vraiment son peuple pour un ramassis d’abrutis. Il est vrai que l’Ukrainien résiste mieux au froid qu’au perturbations horaires. En ce qui me concerne je sais même pas l’heure qu’il est la plupart du temps, je me fie au soleil la journée et aux étoiles la nuit. Pour autant je suis jamais en retard à mes rendez-vous vu que j’ai toujours un max d’avance et que je sais patienter. Ça me rappelle une blague soviétique. Trois types en prison, le premier au motif d’espionnage  parce qu’il est arrivé cinq minutes avant l’heure à l’usine. Le second, arrivé cinq minutes en retard, est accusé de sabotage. Quant au troisième arrivé à l’heure on lui reproche d’avoir acheté sa montre à l’Ouest.

    La preuve que le temps est l’ennemi du genre humain. Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard, comme disait le poète. J’ai pas la solution mais si Chronos a tué son père, me semble quand même bien que c’était pas par hasard.

  • блин!

    A la longue, il en est d'une profession comme du mariage, on n'en sent plus que les inconvénients.

  • Flèche Ensanglantée

    Plus un homme excite de sentiments à distance chez une femme moins il y répondra de près. Plus il a été rêvé brillant plus terne il sera. Ici réside le frauduleux pouvoir de l’imagination, laquelle est certainement ce supplément d’âme que les femmes se croient autorisées à concevoir au nom de Dieu quand il ne fait aucun doute, pour un homme épris de vérité, que c’est la signature du malin. Loin d’être un jeu, le véritable amour est un combat, il y faut deux adversaires là où l’enfer n’y assure que des partenaires. Tous les scintillements des feux de la passion aveuglent les amants incapables de tremper leur cœur dans l’eau pure de la divinité dont les seules vapeurs leur causent de mesquines douleurs.  La dureté éternelle de cet amour veut du sang dont l’âcre odeur rebute le vulgaire et enivre le niais. C’est dans la sombre lumière de sa couleur que Dieu a mis son paraphe invisible aux plus sournoises intelligences. Ce qui excuse l’impitoyable légèreté de la femme, c’est le triomphe de la faiblesse sur les puissances du mal. Le silence de l’esclave creuse la frayeur du maitre jusqu’à l’épouvante. Il fait deviner au tyran sans qu’il puisse l’entendre la voix de la pitié dont l’absence d’écho lui est aussi incongrue qu’inattendue. Il y a dans la justification une telle atteinte à l’innocence qu’elle répugne aux âmes nobles et la gloire du Christ est d’avoir ennobli le silence.

    Combien de marchand de tapis verbaux pour un cœur calomnié battant pavillon solitaire au sein de littéraires tempêtes ? 

  • Animachronisme

    Assis sur un banc dans un parc du centre de Kiev, une amie me fait remarquer la diversité des passants. En effet, tous portent des vêtements en apparence très différents. Cependant il suffirait de poser une question à tous ces gens pour s’apercevoir à quel point ils pensent tous exactement de la même manière malgré leur apparente dissemblance. Quelle question me demande-t-elle ? il y en a pas qu’une, mais par exemple, pourquoi Dieu nous a-t-il créés ?

     Ici, dans cette ex république soviétique désormais république parlementaire, personne ne se déclare athée, peut-être parce que ça reviendrait à se déclarer prosoviétique, ou encore parce que les gens ont conscience que l’athéisme pur n’existe pas ou encore pour une raison que j’ignore ou un syncrétisme de ces raisons, toujours est-il que la réponse est toujours la même : Dieu nous a créés pour être heureux !

     C’est dire à quel point ces gens qui se disent croyants ignorent tout de la parole de Dieu.

    Les plus « modernes » d’entre eux croient à la réincarnation, je n’en ai pas encore rencontré qui croient au néant, ils font tous l’aveu de croire à quelque chose après la mort, ce qui les rend quand même moins dangereux que les français persuadés de l’existence du rien et donc prêts à tout moment de devenir de dangereux supporteurs de Satan, tels les grognards de Bonaparte. 

    A la question de l’âme et de sa position pas un seul ne m’a encore répondu que le corps et l’âme étaient indissociables. Cette séparation imaginaire autant que diplomatique les emballe, les femmes ayant tendance à situer leur âme près de leur cœur, entre leurs seins, les hommes plutôt près du cerveau (certaines vicieuse descendent jusqu’au ventre sans aller toutefois jusqu’au sexe). 

    Je n’en suis pas encore à poser la question du pourquoi Satan emploie-t-il des chrétiens plutôt que des athées, ça reviendrait à demander à un homme de l’âge de pierre pourquoi le fer rouille-t-il.

     

  • Terrorisme et Médias

    A propos du terroriste norvégien André Behring Breivik, qui a semble-t-il voulu exprimer son patriotisme en éliminant quelques dizaines de ses compatriotes de la surface de la terre norvégienne, les médias se livrent à d'intenses spéculations, comme à leur habitude. André Behring Breivik était "franc-maçon" selon les uns, "chrétien" au contraire pour d'autres, "extrémiste" enfin pour certains (comme Ben Laden ; traduisez que tous les dangers viennent d'un extrême quelconque du point de vue des médias qui, eux, incarnent le parti de la modération, vieux truc clérical éculé.)

    Comme on sait, la folie a une origine sociale et elle peut devenir meurtrière sous le prétexte social le plus futile : aussi bien on apprendra dans quelques semaines que André s'était fait larguer par sa copine ou que la question de son orientation sexuelle véritable le tourmentait. Il n'y a donc aucun argument pour exclure les médias eux-mêmes des causes de la folie meurtrière moderne, sachant le rôle moral décisif de la télévision, du cinéma et de la publicité sur des esprits faibles, incités à construire "un univers personnel", c'est-à-dire un rêve, une sorte de prison dorée, dans lequel l'aliéné, bien qu'il y a été relégué, est le seul maître.

    On reconnaît d'ailleurs chez le meurtrier psychopathe le caractère extrêmement social et religieux de cette personne dans le fait qu'elle a un désir de gloire et de reconnaissance du public, à l'opposé de l'individualiste qui trouvera dans l'honneur ou l'argent un parfum d'encens et de dépendance vis-à-vis d'autrui, détestable et illusoire. Pour résumer, le fou meurtrier est le produit d'un collectivisme abrutissant extrêmement puissant, auquel les médias contribuent largement, sous couvert de favoriser la quête identitaire.

    Il faut dire en outre qu'une société requiert systématiquement pour les besoins de son agrégation, l'usage de la folie et du mensonge. On a vu ainsi au XIXe siècle le moraliste national-socialiste F. Nietzsche fulminer contre les chrétiens ou les communistes, les anarchistes, au prétexte que leur volonté de s'attacher à la vérité représente une menace pour l'ordre social établi, qui s'accommode bien mieux de l'hypocrisie ou de vérités religieuses, c'est-à-dire mystiques, ésotériques, de philosophies qui préfèrent largement les questions aux réponses. Or c'est exactement ce type de vérité religieuse, adaptée aux circonstances, que les médias véhiculent sous le nom d'"information". Le grand public est donc invité à admettre une idée de la vérité comme "l'information", par conséquent proche de celle en vigueur dans une salle de marché ou dans la cervelle d'un pigeon*.

    Bien sûr c'est notamment aux militaires que la société fait subir un tel conditionnement. L'éloge de l'instinct ou de la race nietzschéen est essentiel au bon fonctionnement d'une caserne, et tout bon officier supérieur sait en jouer, ainsi que d'un instrument de musique. Au stade de la folie meurtrière et du sadisme, les bornes sont dépassées, mais l'élan est commun. Qui croiera deux minutes qu'il ne faut pas pour assassiner dans le cadre légal des dispositions à peu près semblables à celles requises dans le cadre illégal ? On voit d'ailleurs souvent des commissaires de police exprimer leur respect pour le courage de certains truands, comme si le métier ou l'expérience leur permettait de prendre de la hauteur sur cette frontière invisible de la légalité.

    Cette folie, les pouvoirs politiques pensent toujours pouvoir l'encadrer, et qu'elle restera "ordinaire" ou mesurée, limitée au suicide des enfants par exemple, qui ne trouble pas outre mesure l'ordre social, relativement monstrueux dès lors qu'on accepte de le regarder en face, plutôt que d'accuser tel ou tel fou isolé de tous les vices.

    Bardamor

    *Cette conception totalitaire de la vérité sous la forme d'une somme d'informations n'est d'ailleurs plus seulement en vigueur dans les médias, mais aussi dans les centres administratifs en charge des arts plastiques en France, derrière l'incitation à développer les arts numériques. C'est d'autant plus frappant que l'intelligence artistique a toujours résisté au tour religieux qui consiste, comme E. Kant, à prêter à la personne humaine l'incapacité à raisonner en dehors du temps et de l'espace, notions abstraites surtout nécessaires à un robot, un chien de chasse ou un tireur d'élite. C'est donc une conception militante de l'art qui est défendue désormais par ses cadres supérieurs.

  • Le Populisme est une Femme de Ménage

    par Télémax

     

    L’actualité récente illustre à quel point convergent désormais la machine à rêves politique et le cinéma, sa petite sœur. Et même combien le fantasme possède un surcroît d’efficacité sur les anciens moyens d’oppression.

    La comparaison de la religion avec une drogue débouche sur le rêve, c’est-à-dire la capacité du clergé à endormir ses ouailles (pour le compte de la puissance publique, le plus souvent) ; le personnel républicain s’est substitué au clergé dans cette fonction au cours des derniers siècles, employant des méthodes et tenant un discours mieux adaptés à la métamorphose de l’économie occidentale, dont la conséquence la plus nette fut de démoder le modèle familial paysan.

    En résumé, on peut considérer le personnel républicain comme le clergé de l’ère industrielle, après l’exploitation agricole.

    La plongée toujours plus profond des nouveaux régimes bourgeois dans la religion, s’il est un historien qui l’a signalée, c’est bien K. Marx. Bien sûr sa démonstration n’est ni agréable ni agréée par les élites républicaines, qui prétendent a contrario éclairer les consciences ; mais cette prétention fut aussi du clergé chrétien auparavant, avec le résultat que l’on sait de constitutions politiques théocratiques sur la base de textes chrétiens qui proscrivent pourtant absolument de telles utopies.

    Cette parenthèse n’est pas inutile à plusieurs titres ; d’abord parce qu’il faut souligner le lien étroit de la puissance et du rêve.

    Erotique ou macabre, à l’instar du cinéma, le rêve exaltera la puissance d’autant plus que le désir du rêveur sera altéré.

    On peut s’interroger sur l’inconscient collectif d’une nation dévote comme les Etats-Unis, qui cultive autant les « arts virtuels » ? Se demander par ailleurs si d’autres pays, qui recherchent le divertissement dans une culture étrangère à la leur, ne vivent pas entièrement « par procuration ».

    Secundo, la sacralisation de l’Etat ou des institutions politiques, qui suppose aussi un calcul de la puissance et l’étalonnage des individus relativement à cette puissance, négation absolue de leur être, ce procédé n’a pas été inventé par le régime républicain, quoi qu’il soit parfaitement assumé dans la franc-maçonnerie, formule théocratique presque chimiquement pure.

    On remarque que le clergé chrétien a devancé la République sur cette pente anthropologique, qui conduit une civilisation occidentale arrogante à répéter l’idéologie de l’Egypte antique sous couvert du « progrès ». On discerne ainsi très nettement dans la notion de « grâce », et plus encore celle de « prédestination », du lexique janséniste ou protestant, une conception anthropologique analogue à celle requise par l’architecture juridique des régimes républicains totalitaires ultérieurement.

    L’anthropologie est un procès nécessaire pour élever la puissance de l’homme au niveau de celle de dieu ou de la nature, d’un roi ou d’une institution humaine.

    Ajoutons ici que l’échec récent de l’élitisme républicain est largement dû à une vocation religieuse et taboue..

    Si donc la « modernité » républicaine, notion quasiment cinétique ou statistique, peut servir à couronner un progrès, cela ne peut être que celui de l’enfoncement des nations dans une léthargie et une irresponsabilité toujours plus grandes, sous couvert de raffinement stylistique.

    Au passage précisons que l’autopsie de la tradition chrétienne par Marx, la mise à jour d’une culture paysanne ésotérique sous les ornements liturgiques chrétiens, a une dimension presque aussi prophétique que l’œuvre de Shakespeare ; bien que celui-ci demeure le plus grand adversaire du mysticisme et des rêves chrétiens de grandeur et de conquête. Il n’épargne en effet ni l’abus politique typique de l’ancien régime, ni l’abus sentimental dont la bourgeoisie fera un usage très large ; où mieux que dans le théâtre de Shakespeare les aspirations chrétiennes illégitimes sont-elles décrites comme l’axe du mal, la cause de l’aliénation particulière du monde moderne.

    Rabelais, Cervantès ou Molière se limitent en effet à cerner la bêtise de la morale chrétienne, l’appui de cette volonté d’ignorance sur l’élitisme clérical, mais sans atteindre la même hauteur de vue historique que le tragédien anglais.

    Contrairement à la gnose existentialiste identitaire, la critique marxiste est entièrement dépourvue d’office pour aucun parti. Elle s’écarte radicalement de toute forme d’art libéral ou de toute fonction organisatrice. Ce qui n’est pas le cas, on vient de le voir, du rêve ou de la volonté de puissance. Metteurs en scène et producteurs, dans la coulisse, sont de plus grands démiurges que les acteurs politiques sous les projecteurs. Il faudrait écrire l’histoire du XXe siècle, le plus virtuel, où chaque propriétaire s’autorise à devenir un assassin dès lors que sa propriété est menacée, à travers le cinéma et le divertissement et non plus les hommes d’Etat ou les maréchaux.

    Dans cet état de coma particulier où le monde a glissé peu à peu, devenant une immense salle de projection pour privilégiés, les organes politiques au sens traditionnel sont comme accidentés et inertes, en voie de décomposition.

     

    Les tribulations érotico-judiciaires de Dominique Strauss-Kahn à New York ont entraîné une courbe d'audience record, un désir violent cristallisant de plus petits appétits.

    Les mœurs des grands de ce monde, dépassant des coulisses, instruisent mieux des réalités de la vie politique que les vies tièdes ou sado-masochistes du citoyen lambda.

    Le sadisme est, en effet, dénué de tartufferie, c’est-à-dire de principes religieux. Pour une raison facile à comprendre : ceux-ci ont pour fonction l’asservissement des masses aux élites politiques, à l’origine des règles morales. En tous temps, les élites ont été les plus libres de devoirs. Les droits des masses industrieuses s’arrêtent où commence la propriété des élites, qui s’étend désormais jusqu’au domaine intellectuel.

    Quant à « l’exemplarité des élites », ce slogan républicain, au pays de Rabelais et Molière, prête à sourire, qu’il s’agisse d’exemplarité morale, civique, et même scientifique. L’élitisme républicain se situe à peu près au niveau de la musique de chambre ou de l’opéra, de la coupe du monde de football aujourd’hui.

    Le comble de l’élitisme est sans doute d’imputer à la plèbe les tares sociales qui, méthodiquement et mathématiquement, lui sont inculquée par sa caste dirigeante.

    Si les élites républicaines s’avèrent incapables d’infléchir le cours de plus en plus vulgaire et mercantile de la culture, c’est parce que la culture n’est en réalité qu’un instrument de subornation analogue à ce que furent les traditions religieuses autrefois.

    La meilleure preuve en est l’imperméabilité de la culture à la critique, exactement sur mode dogmatique des régimes théocratiques. Ce qui est de l’ordre de la justification ne supporte pas la critique. Et la culture comme la religion relève de la justification. Elle oppose le mystère à la critique.

    La culture épouse d’ailleurs comme le folklore religieux les contours de la propriété. Il n’y a pas de conception plus dévoyée de l’art.

    C’est pourquoi il n’y a pas d’histoire de l’art républicain ou capitaliste possible. La critique ferait perdre aux fétiches et aux vases sacrés leur fonction mobilisatrice, ce pouvoir magique sacré que le simple décret permet de conférer à peu près à n’im-porte quelle poterie ou croûte sans intérêt. En matière d’art sacré, qu’importe le vin, pourvu qu’on ait l’ivresse de la messe.

    L’écrivain anarchiste Alphonse Allais a développé à travers de petits contes ironiques une critique subtile de l’art moderne bourgeois, qui, en un mot, ne s’est pas laissé abuser par la dimension religieuse du fétichisme bourgeois. C’est un exemple rare et isolé, qui n’a rien perdu de son incorrection, et explique sans doute le mépris assez général de l’Université républicaine à son égard, véritable machine à décerner à tout ce qui bouge des labels de « modernité ».

    Marx et Engels, pour leur part, ont plus précisément souligné le caractère d’ésotérisme juridique de l’esthétique national-socialiste de Hegel. Cette critique permet de discerner l’origine paysanne de toute forme de mysticisme religieux ; et que la modernité républicaine ne consiste jamais que dans l’éternel retour des valeurs paysannes primitives.

    Il faut voir, et c’est surtout aux opprimés de le remarquer, puisque l’intelligence dessert les intérêts du clergé ou de l’intelligentsia, que le mouvement de sympathie des élites républicaines pour les cultures primitives :

    1. Répond au besoin d’exploitation du tiers-monde. La flatterie remplace la pacotille.

    2. Consacre la coïncidence entre l’aspiration érotique et macabre des régimes républicains occidentaux, et cette même aspiration dans les cultures paysannes primitives.

    Ainsi, lorsqu’une élite est massacrée par le peuple et sa religion arasée, au cours de la révolution française, russe, etc., c’est la loi du hasard ou de « l’arroseur-arrosé » qui s’applique.

    Il n’y a aucun progrès à attendre, ni déclin, de ce phénomène biologique. Les castes dirigeantes avaient fait leur temps ; leurs rêves avaient perdu toute leur force d’entraînement.

    La politique est toujours ramenée sur terre par le phénomène biologique. La guerre, l’holocauste, sont d’ailleurs des solutions finales d’ordre culturel. Le socialisme est le régime, non pas de la révolution permanente, mais de l’holocauste permanent. Les philosophies, le plus souvent matérialistes, qui rejettent la notion de civilisation ou de modernité, refusent aussi de se soumettre au principe sacrificiel. L’odyssée n’est pas un mythe par hasard ; on constate qu’Ulysse est en butte aux sermons du clergé depuis Platon, à cause de son individualisme. Insoumis à la loi du nombre, Ulysse vaut mieux que toute l’espèce achéenne. Et pour mieux insister sur la bêtise du raisonnement spécial ou organique, propre à la morale, Homère l’a attribué à Achille, berné par le jeu de miroir de l’âme et de l’au-delà, soumis au compte à rebours.

    Il faut interroger la religion ou la société qui impose à ses enfants des super-héros nietzschéens, c’est-à-dire des super-flics, papes, « rois très chrétiens », chevaliers de la Table Ronde imbéciles… pour le compte de qui ?

    Comment expliquer, dans le cadre officiel d’une utopie démocratique égalitaire, la persistance d’Etats dont la puissance n’a rien à envier à ceux de l’Ancien régime ? Comment l’expliquer, si ce n’est par le fait que ces Etats opèrent comme de gigantesques pompes à désirs, les aspirant puis les redistribuant en fonction des appétits, non à proportions égales.

    Les Etats modernes ont atteint un tel niveau de puissance, que tout en demeurant sacré, le chef de l’Etat n’est plus qu’une marionnette aux bras courts. La République pourrait fredonner : « Mon Dieu, quel homme, quel petit homme j’ai épousé ! »

    Les tyrans plus sardanapalesques ou œdipiens ne subsistent plus, au contraire, que dans les régimes faibles.

    *

    Un tel écho pour une anecdote si petite illustre aussi la vocation de vidéo-surveillance des médias. Même les élites ne parviennent plus à y échapper. C'est l'effet boomerang du « politiquement correct ». Le civisme ou le lien social a pour fonction de tenir autrui « en respect », au sens policier du terme. Nous sommes tous invités à être concierges ou flics.

    Et si, d'objets de dévotion, les politiciens passent vite au statut d'objets répugnants, par la grâce de l'appareil médiatique, c'est l'instabilité de la libido de l'électeur qui l'impose ; elle impose de renouveler constamment la fiction ; le personnel politique doit endosser sans cesse de nouveaux rôles ou costumes, faire preuve d'aptitude à composer des mélodies nouvelles.

    Dans les régimes antérieurs, où l'oppression procédait moins de la psychologie et du rêve que de la violence physique, l'instabilité politique était provoquée par la classe oisive des aristocrates, dont le mode de vie était propice au rêve. Les politiciens les plus habiles ont toujours su détourner la menace de sédition que ces catégories désœuvrées faisaient peser sur le pouvoir, à l'aide de chiffons rouges. L’Occident enrichi, avec ses désirs et ses spéculations plus ou moins erratiques, représente à l’échelle mondiale cette menace.

    Imputer comme Nietzsche à l'anarchisme la destruction de la civilisation est une erreur d'appréciation d’ordre psychologique. Il n'y a pas de stratégie de pouvoir ou de domination qui ne finisse par se retourner, en définitive, contre son instigateur. La plus grande puissance avoisine la plus grande faiblesse. Comme dit un moraliste plus lucide que Nietzsche : « Plus le métal de la civilisation brille, plus la rouille est proche. »

    Dans le registre opposé à celui de la liberté qu’est le registre de la puissance, on comprend que le rêve était appelé à jouer un rôle décisif d’écran ; que Shakespeare ait pu deviner la menace de raz-de-marée contenue dans les rêveries religieuses ou politiques et leur opposer son matérialisme.

    Seul un irresponsable peut décréter le mal une chose banale, avec le cynisme absolu de Pangloss. Car cette banalité une fois admise, l’homme n’a plus aucun motif valable d’être ; une somme de petites lâchetés et renoncements à la liberté formeront son destin. Massacres au sein de l’espèce humaine et suicides collectifs deviennent non moins rationnels et nécessaires que n’importe quel banquet culturel ; ils ne dépendent plus que du penchant naturel ou du bon plaisir de chacun.

     

    Paru dans « Au Trou » n°25 : Le fanzine au dessus des parties !

  • Athéisme & Anarchie

    Par Télémax, paru dans « Au Trou !? » n° 24

     

    La question de l'athéisme est sous-jacente à celle de l'anarchie dans la mesure où ce courant de pensée joue un rôle de critique de la puissance publique. Tout ce qui a trait à la puissance a toujours eu et conserve dans l’opinion publique un caractère divin, sacré ou mystique : foudre, force mécanique, armes, orages, marée, mais aussi langage, institutions, énergie, argent, etc.

    Depuis la nuit des temps, la puissance publique n'a de cesse, en effet, de s'appuyer sur la religion et d'édifier des idoles afin d'endormir le peuple et le rassurer sur son avenir. Que la guerre soit au corps à corps, l’épée à la main, ou qu’elle soit plus médiatique et économique, la mobilisation générale exige une religion et des prêtres.

    Il faut faire une place à part dans l’histoire moderne à des athées, comme D. Diderot ou F. Nietzsche, L. Feuerbach, dont les pamphlets et les analyses ne remettent pas en cause le principe de l’exercice de la puissance publique, mais seulement ses modalités. Mieux vaut les tenir pour les instigateurs de réformes religieuses. Le doute qu’on peut avoir si Diderot ou Nietzsche sont bien athées tient à ce que, loin d’être irréligieux, ils prônent une morale rénovée.

    Contre l’ancien code moral chrétien qu’il estime désuet, Diderot cherche par exemple à ériger sa propre morale philosophique, sachant bien la difficulté qu’il y aura à remplacer les anciennes idoles chrétiennes par de nouvelles ; le culte de l’art - autrement dit la « culture » - étant le mieux à même de se substituer à l’ancienne liturgie. La culture permet en effet, par les formes apparemment plus variées qu’elle propose, de satisfaire des dévotions personnelles plus diverses, répondant ainsi à l’embourgeoisement de la société occidentale où chacun désire un autel, non plus commun, mais conforme à ses goûts particuliers ou son identité. L’uniformité vers laquelle tend la culture comme la religion, restera le plus souvent masquée à ses adeptes.

    Bien qu’il ne soit pas athée, J.-J. Rousseau développe des idées morales guère éloignées de celle de son ami-ennemi Diderot.

    Ainsi c’est plus la question du rapport à dieu ou à la puissance qui compte ici, la possibilité de faire évoluer ce rapport, que la nature ou la forme de dieu, comparée à celle de la puissance publique.

    Ce qui est frappant dans le nazisme, et plus encore chez F. Nietzsche, c’est l’anachronisme de leur tentative de réforme religieuse. Car la métamorphose économique de la société, de tous temps la principale raison d’adapter les mœurs et la religion, se déroule sous les yeux de Diderot, Rousseau, Voltaire ; naturellement, ils s’efforcent donc de la comprendre ou de lui donner un sens. Tandis que Nietzsche, lui, est un réactionnaire attardé : il y a beau temps que l’oligarchie bourgeoise a pris en main les rênes du pouvoir lorsqu’il s’insurge contre le cynisme libéral, et que l’épopée sanglante napoléonienne, l’esclavage des mineurs, les guerres coloniales, ont ravalé les idéaux des Lumières françaises au rang de la catéchèse républicaine.

    Il n’est pas inintéressant de relever ici, afin d’introduire un deuxième volet consacré plus directement à l’aspect thérapeutique de la religion, que la constance de la nation allemande à se maintenir « en dehors de l’histoire », à perpétuer notamment une philosophie morale encore plus surannée que celle de Platon n’a pas infléchi l’esprit d’entreprise allemand, bien au contraire. Comme quoi la bêtise est une condition économique ou politique nécessaire. Moins archaïque que tous les Nietzsche, Hegel, Heidegger, mais aussi beaucoup moins rassurant, plusieurs siècles avant notre ère, Aristote remarque déjà que l’homme n’est pas fait pour le travail, qui contredit sa physiologie.

    Le nom m’échappe de cet anarchiste pacifiste qui prônait lors de la ruineuse construction de la ligne Maginot de se laisser plutôt envahir par l’Allemagne, le cas échéant ; en arguant de la supériorité de la culture française (alors moins copiée sur celle des Etats-Unis), à laquelle l’Allemagne ne tarderait pas à se rallier, son élite étant largement francophile.

    En réalité, la culture dominante comme la religion dominante traduit toujours la volonté de la nation ou de la classe sociale la plus puissante, donc des vainqueurs en cas de guerre. Il existe d’ailleurs un équivalent de la prédestination et de la grâce, martingales des religions archaïques, sur le plan de la culture, c’est l’idée mystique du « génie artistique », théorie dont les racines sont enfouies comme tous les mystères religieux au plus profond des entrailles de la terre.

    *

    Athée ou critique beaucoup plus drastique de la religion, K. Marx compare ainsi la religion à l’opium (drogue du bonheur, à laquelle la sécrétion d’endorphine lors d’une activité physique intense peut suppléer, ou bien la réaction à un fort stress). Il n’y a pas dans cette comparaison une simple formule destinée à marquer les esprits, mais une métaphore matérialiste fondée sur la biologie. Le processus d’adhésion à la religion repose, comme le processus sentimental, sur un phénomène chimique. Le sentimentalisme qui transpire de la culture républicaine ou libérale de droite comme de gauche, exprime à lui seul la religiosité débordante de la société capitaliste ; un fétichisme plus sénile qu’infantile.

    C’est l’endroit d’indiquer le rôle thérapeutique des religions, consolantes et motivantes, chargées le plus souvent de donner « un sens à la vie ». Cela est cause de la vénération des thaumaturges dans les régimes théocratiques. En revanche l’ironie à l’égard des médecins, plus fréquente dans la littérature occidentale, de Molière à Jules Romain en passant par B. Cendrars, A. Allais ou L. Bloy, a sans doute un caractère anarchiste ; les compétences techniques des médecins n’y sont pas seulement remises en causes.

    Probablement le savant anglais Francis Bacon Verulam est-il le seul à avoir assez d’audace pour souligner le rôle ésotérique de la médecine… sous l’abord de son inefficacité à obtenir pour l’homme l’immortalité, somme toute le but le plus raisonnable qui puisse être assigné à la science médicale. Bacon rédige cet aphorisme : « Rencontrant un peintre qui voulait changer de métier et se faire médecin, je le félicitai de choisir une discipline où sa maladresse serait moins visible. » Il raille ici un art et une science qui ne se donnent que des obligations de moyen, non de résultat.

    Si les relations sentimentales et l’activité culturelle ou artistique, tout comme la religion, remplissent une fonction quasiment antalgique, compte tenu de l’appui de l’architecture politique sur ces piliers que sont les relations sentimentales, la culture, la religion, la production au sens le plus aristocratique comme le plus banal, on est de fait en droit de s’interroger sur les visées de la médecine officielle du corps ou de l’âme. Du moins peut-on ici remarquer que la douleur, chez l’homme, est plus psychologique que strictement corporelle.

    L’aspect thérapeutique ou « vitaliste » des régimes théocratiques se retrouve d’ailleurs dans le symbolisme des rituels religieux, le plus souvent à connotation alimentaire ou sexuelle.

    L’anthropophagie, réelle ou simulée, a bel et bien un aspect rituel ou sociologique. On pourrait poser l’équation qu’une société tend d’autant plus vers le cannibalisme ou l’holocauste qu’elle est, comme une sangsue, assoiffée d’énergie ou de sang. On a sans doute atteint le niveau le plus bas de l’humanisme ou de l’intelligence occidentale avec le national-socialisme ou le libéralisme, ce modèle de l’animal, bête à concours, sous-jacent de ces cultures, ignorant dieu mais craignant l’homme, on ne peut plus déterminé par la puissance et les éléments naturels.

     

    Il est nécessaire d’insister sur l’intérêt de ne pas séparer la critique de la religion de celle du pouvoir sous toutes ses formes : aussi bien les institutions politiques que l'argent ou le langage. Ainsi K. Marx fait d'une pierre deux coups, incitant à voir la religion et le pouvoir comme des phénomènes naturels, quasiment biologiques, par-delà les mystères revendiqués par les religions ou la politique, voire certains économistes libéraux ; l’ésotérisme religieux ou politique se nourrit essentiellement de paradoxes issus de la nature ; plutôt que d’élucider ces phénomènes, elle en cultive le clair-obscur ou l’opacité par le biais de l’algèbre et la statistique, érigées en science.

    Et le clergé républicain n’a de cesse de qualifier l’ingénierie de « science dure », afin d’en mieux dissimuler la malléabilité et la subjectivité quasi parfaite ; au point que la théorie moderne du « voyage dans le temps » possède un caractère de spéculation au moins aussi intense que le savoir de Dante Alighieri, mélange bizarre de christianisme et de franc-maçonnerie, ou encore la conception mathématique du purgatoire selon Galilée.

    Marx n’a pas dû être peu surpris, lui qui est d’une famille juive, de mettre petit à petit à jour en la disséquant, derrière la doctrine juridique national-socialiste de G.W.F. Hegel, le vieux truc de la « loi morale naturelle »... datant des pharaons.

    Un tel ésotérisme se retrouve aussi dans la littérature française, chez Montesquieu notamment (« De L’Esprit des Lois »), mais aucun moraliste n’atteint le degré de sophistication de la modernité selon Hegel. En effet celui-ci parvient à enterrer habilement le point de vue historique occidental, assez largement prophétique, sous un entrelacs de spéculations religieuses typiquement germaniques. Alors que le droit et l’histoire sont donc comme l’eau et l’huile, Hegel parvient à les assembler grâce au tour de passe-passe suivant : comme le droit et la morale ont la propriété d’évoluer sans cesse en fonction de l’âge des civilisations et de leurs systèmes de production ou d’exploitation propres, Hegel affecte ce mouvement, comme un coefficient de marée, à l’histoire, et même à l’art, qu’il ne conçoit pas autrement que « sacré » ; c’est simple, mais encore fallait-il y penser.

    La philosophie de Hegel est le meilleur exemple qu’on puisse trouver de gnose national-socialiste ou républicaine destinée à servir les intérêts du capitalisme, après les efforts du clergé chrétien en faveur des régimes monarchiques, notamment britanniques ou français ; l’étrange théocratie que Shakespeare s’efforce de dénoncer dans son antithéâtre, notamment à travers ses portraits d’éminences grises catholiques démoniaques (Wolseley, Th. More, Polonius, etc.)

    Au vieux dogme chrétien « Hors de l’Eglise, point de salut. », généralement utilisé à des fins de propagande qu’il ne permet pas, Hegel substitue un « Hors de l’Etat, point de salut. », encore plus draconien, et que les économistes complèteront par « Hors de la statistique, point de salut. ». Il n’y a pas d’élucidation de l’histoire chez Hegel, mais une chronologie, un simple enchaînement de faits présentés et organisés entre eux a posteriori, au hasard. L’histoire devient « le destin des nations », théorie qui dispense le clergé républicain de toute autocritique.

    *

    Aucune âme n’échappe au destin ou au rêve de puissance des nations à l’infini, même si les plus tièdes subissent moins que d’autres l’enfer.

    Il faut ici bien comprendre la fonction religieuse de l’animisme ou du relativisme, son usage pratique en termes d’oppression politique : dès lors que, dans l’inconscient collectif ou personnel, tous les points de vue se valent, de facto la loi de l’élite ou du groupe le plus puissant s’impose d’autant mieux.

    Un exemple : les points de vue et opinions, folklores, couleurs de peau et identités des populations du tiers-monde sont respectées… tant que ces populations ne menacent pas les intérêts des puissances occidentales. Le respect de l’autre est une façon de le tenir en respect.

    Marx met en lumière la tartufferie du discours élitiste, qui vise avant tout à tenir ou conserver une position sociale au moyen des plus hypnotiques artifices religieux. Ainsi on comprend que le discours culturel de l’élite prépare le lit du populisme et des révolutions. Il inculque notamment aux masses l’irresponsabilité, la foi abrutissante dans un avenir meilleur.

    La religiosité et l’idolâtrie sans bornes du libéralisme, que Marx qualifie de « fétichisme », transpirent d’ailleurs de tous les pores de l’idéologie physiocratique sur laquelle les Etats modernes sont appuyés.

    La mise en perspective de l’homme comme une « bestiole religieuse » relie le marxisme au matérialisme antique d’Aristote. On comprend ici pourquoi certains marxistes ont pu mettre en doute l’hypothèse évolutionniste de Darwin ; celle-ci a en effet pour corollaire l’idée de progrès religieux ou culturel, quand le matérialisme incite à voir au contraire dans le tour religieux ou culturel des civilisations un signe de leur déclin.

    Le matérialisme place l’individu au-dessus des civilisations, qui n’accouchent en définitive que de cadavres exquis.

    Il importe de comprendre ici l’erreur d’appréciation nietzschéenne ou fachiste, fondée sur la nostalgie de la civilisation et le dégoût du mercantilisme ; de comprendre aussi pourquoi cette erreur était prédestinée à se répandre comme une traînée de poudre dans une société capitaliste infantilisante, bien qu’elle se propose d’en inverser le cours, mais seulement sous forme de slogans ou de vagues principes de développement personnel, qui laissent la foi libérale plus pragmatique, et donc plus efficace, intacte.

    L’erreur est de dénier au libéralisme le caractère religieux ou moral. Bien qu’elle n’a pas vocation apparente de communion religieuse, qui peut nier l’influence décisive de la publicité sur les mœurs et les comportements ?

    Nietzsche part donc d’une conception quasiment hystérique ou sentimentale de la morale, spirituelle alors qu’elle a une vocation essentiellement pratique. L’animal sauvage, dont l’existence est entièrement subordonnée à la survie, mène une vie parfaitement conforme à l’éthique de son espèce ; il mène une existence qu’on peut qualifier « d’obsessionnelle », afin d’indiquer le caractère de moralisme exacerbé de l’aliénation.

    Une meilleure connaissance de la condition ouvrière aurait peut-être permis à Nietzsche de constater que la bourgeoisie libérale a suscité des générations d’ouvriers pétris de puritanisme. Celui-là qui mène une existence entièrement réglée par la morale pure, c’est-à-dire sans bénéficier des avantages qu’une condition sociale plus élevée procure, ignore qu’il est manipulé, et par qui ou quoi. C’est ce couvercle religieux que Marx s’efforce de soulever, non pas par le biais d’une contre-culture adolescente nietzschéenne, mais en faisant table rase de la culture, ayant compris que la métamorphose religieuse ne peut déboucher que sur un produit culturel de plus en plus dégradé, et ne permet pas de s’arracher au cercle vicieux de la religion, au gré duquel se délite la liberté.

  • Le grand Pan

     

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    D’après François Bacon Verulam

     

    Avec le personnage de Pan, les anciens ont donné une très exacte description de toute la nature. Ils ont laissé dans le doute son origine. Les uns affirment en effet qu’il a été engendré par Mercure, les autres lui attribuent une origine tout à fait différente ; ils disent que Pénélope coucha avec tous ses prétendants et que Pan fut le fils commun issu de ces accouplements mêlés. Mais, dans ce dernier récit, le nom de Pénélope a sans doute été rajouté à la fable originale par des auteurs plus récents ; et il est d’ailleurs fréquent que les plus anciens récits soient adaptés à des personnages et des noms qui leur sont postérieurs, parfois de façon stupide et absurde, comme on peut le voir ici, puisque Pan était l’un des dieux les plus anciens ; il remonte à des temps bien antérieurs à ceux d’Ulysse et surtout Pénélope était vénérée dans l’antiquité pour sa fidélité conjugale. Nous ne devons pas non plus négliger une troisième explication de sa génération : certains en effet l’ont tenu pour le fils de Jupiter et de Hybris, c’est-à-dire de l’Outrage. Quelle que fut son origine, on racontait qu’il avait les Parques pour sœurs.

    Voici l’image de Pan, telle que les anciens l’ont dépeinte : il portait des cornes, dont le sommet s’élevait jusqu’aux cieux. Son corps était entièrement couvert de poils et hirsute, sa barbe d’une longueur extrême. Sa figure était double ; humaine dans sa partie supérieure, mais pour moitié animale, et elle se terminait par des pieds de chèvre. Comme signes de son pouvoir, il tenait dans sa main gauche une flûte, faite de sept tuyaux, et dans la droite une sorte de crosse ou bâton recourbé par le haut ; une peau de léopard lui sert d’habillement. Quant aux pouvoirs et aux fonctions qu’on lui attribuait, il était regardé comme le dieu des chasseurs et même des pasteurs, et en général des habitants de la campagne. Il présidait aussi aux montagnes. Il était messager des dieux, ainsi que Mercure, et immédiatement après lui pour la dignité. On le regardait comme le chef et le général des nymphes qui dansaient perpétuellement autour de lui. Il avait aussi pour cortège les satyres, et les silènes beaucoup plus âgés qu’eux. On lui attribuait le pouvoir d’envoyer des terreurs, surtout des terreurs vaines et superstitieuses, qui de son nom ont été appelées paniques. Les actions qu’on rapporte de lui sont en assez petit nombre ; on dit surtout qu’il défia à la lutte Cupidon, par lequel il fut vaincu ; qu’il embarrassa le géant Typhon dans des filets et le tint assujetti. On raconte de plus que Cérès étant triste et affligée de l’enlèvement de Proserpine, comme les dieux la cherchaient avec inquiétude et s’étaient pour cela dispersés sur différents chemins, Pan fut le seul qui eut le bonheur de la trouver, étant à la chasse, et de la leur montrer. Il osa aussi disputer à Apollon le prix de la musique, prix que Midas, choisi pour arbitre, lui adjugea, ce qui valut à ce roi des oreilles d’âne, mais ces oreilles étaient cachées. On ne suppose pas à Pan aucunes amours, du moins il en eut peu, ce qui peut paraitre assez étonnant dans la troupe des dieux qui, comme l’on sait, prodiguait si aisément ses amours. On dit seulement qu’il aima Echo, qui fut aussi regardée comme sa femme, et une autre nymphe appelée Syrinx, dont Cupidon, pour se venger de ce qu’il avait osé le défier à la lutte, le rendit amoureux. On prétend qu’autrefois il évoqua la lune dans de hautes forêts, et qu’il n’eut pas non plus d’enfants, ce qui n’est pas moins étonnant, attendu que les dieux, surtout les mâles, étaient merveilleusement prolifiques, si ce n’est qu’on lui donne pour fille une certaine femmelette qui était servante et se nommait Iambe, femme qui ordinairement amusait ses hôtes par des contes plaisants, et qu’on croyait un fruit de son mariage avec Echo.

     

    Pan, comme le dit son nom même, représente l’univers ou l’immensité des choses. Or, il y a, et il peut y avoir, sur l’origine du monde deux sentiments différents ; ou il est sorti de Mercure, c’est-à-dire du Verbe divin, ce que l’Ecriture-sainte met hors de doute, et ce qu’ont vu les philosophes mêmes, du moins ceux qui ont été regardés comme les plus appliqués à la théologie, ou alors il est provenu des semences confuses des choses. En effet, quelques philosophes ont prétendu que les semences des choses sont infinies, même en substance ; d’où est dérivée cette hypothèse des Homoiomères, qu’Anaxagore a ou inventée ou rendue célèbre. Quelques-uns cependant, doués d’une plus grande pénétration, pensent que c’est assez, pour expliquer la variété des composés de supposer que les principes des choses sont identiques quant à la substance et ne diffèrent que par leurs figures, mais par des figures fixes et déterminées, et que tout le reste ne dépend que de leurs situations respectives et de la manière dont ils se combinent ; source d’où est émanée l’hypothèse des atomes qu’adopte Démocrite, après que Leucippe l’eût inventée. Mais d’autres n’admettaient qu’un seul principe, lequel, selon Thalès, était l’eau, selon Anaximène l’air, et selon Héraclite le feu ; et néanmoins ce même principe, ils le croyaient unique, quant à l’acte, mais variable en puissance et susceptible de différentes modifications, et tel que les semences des choses s’y trouvaient cachées. Mais ceux qui à l’exemple de Platon et d’Aristote, ont supposé une matière totalement dépouillée de qualités, sans forme constante et indifférente à toutes les formes, ont beaucoup plus approché du sens de la parabole ; car ils ont regardé la matière comme une sorte de femme publique, et les formes comme les prétendants. En sorte que toutes les opinions sur les principes des choses reviennent à ceci et se réduisent à cette distribution : le monde a pour principe, ou Mercure, ou Pénélope et ses prétendants. Quant à la troisième génération de Pan, elle est de telle nature qu’il semble que les grecs, soit par l’entremise des Egyptiens, soit de toute autre manière, aient eu quelques connaissance des mystères des Hébreux. Elle se rapporte à l’état du monde, considéré, non tel qu’il était à son origine, mais tel qu’il fut après la chute d’Adam, c’est-à-dire lorsqu’il fut devenu sujet à la mort et à la corruption ; et cet état fut, en quelque manière, fils de Dieu et de l’injure, c’est-à-dire du péché ; il subsiste même aujourd’hui, car le péché d’Adam tenait de l’injure, puisqu’il voulait se faire semblable à dieu. Ainsi ces trois sentiments sur la génération de Pan sembleront vrais, si l’on distingue avec soin les temps et les choses. En effet, ce Pan, tel que nous l’envisageons en ce moment, tire son origine du Verbe divin, moyennant toutefois la matière confuse, qui était elle-même l’ouvrage de Dieu, la prévarication, et par elle la corruption, s’y étant introduites.

     

    Les destins, ou les natures des choses, sont avec raison regardées comme sœurs. Car, par ce mot de destins sont désignés leurs commencements, leurs durées et leurs fins, ainsi que leurs accroissements et leurs diminutions, leurs disgrâces et leurs prospérités ; en un mot, toutes les conditions de l’individu ; conditions pourtant qu’on ne peut reconnaitre que dans un individu d’une espèce noble, tel qu’un homme, une ville, ou une nation. Or, c’est Pan, ou la nature des choses, qui fait passer ces individus par des conditions si diverses ; en sorte que, par rapport aux individus, la chaine de la nature et le fil des Parques ne sont qu’une et même chose. De plus, les anciens ont feint que Pan demeure toujours en plein air, que les Parques habitent un souterrain, et qu’elles volent vers les hommes avec la plus grande vitesse parce que  la nature et la face de l’univers sont visibles et exposées à nos regards, au lieu que les destinées des individus sont cachées et rapides. Que si l’on prend ce mot de destinée dans une signification plus étendue et qu’on entende par là quelque espèce d’évènement que ce puisse être, et non pas seulement les plus frappants, néanmoins, en ce sens-là même, ce nom convient fort bien à la totalité des choses, au grand tout, attendu que, dans l’ordre de la nature, il n’est rien de si petit qui n’ait sa cause, et au contraire rien de si grand qui ne dépende de quelque autre chose ; en sorte que l’assemblage de la nature, renferme en son sein toute espèce d’évènement, le plus grand comme le plus petit, et qu’elle le produit en son temps d’après une loi dont l’effet est certain. Ainsi rien d’étonnant, si l’on a supposé que les Parques étaient les sœurs de Pan, et ses sœurs très légitimes, car la fortune est fille du vulgaire et ne plait ordinairement qu’aux esprits superficiels. Certes, Epicure ne tient pas seulement un langage profane ; mais il me parait extravaguer tout-à-fait, lorsqu’il dit : « qu’il vaut mieux croire la fable des dieux, que supposer un destin ; » comme s’il pouvait y avoir dans l’univers quelque chose qui, semblable à une île, fût détaché de la grande chaine des êtres. Mais Epicure, comme on le voit par ses propres paroles, a accommodé et assujetti sa philosophie naturelle à sa morale, ne voulant admettre aucune opinion qui pût affliger, inquiéter l’âme, et troubler cette euthymie dont Démocrite lui avait donné l’idée. C’est pourquoi, plus jaloux de se bercer dans de douces pensées que capable de supporter la vérité, il secoua entièrement le joug, et rejeta la nécessité du destin aussi bien que la crainte des dieux. Mais en voilà assez sur la fraternité de Pan avec les Parques.

     

    Si l’on attribue au monde des cornes plus larges par le bas et plus aigües à leur sommet, c’est que toute la nature des choses est comme aigüe et semblable à une pyramide ; car le nombre d’individus qui forment la large base de la nature est infini. Ces individus se réunissent en espèces, qui sont aussi en grand nombre ; puis les espèces s’élèvent en genre, lesquels, à mesure que les idées se généralisent, vont en se resserrant de plus en plus, en sorte qu’à la fin la nature semble se réunir en un seul point ; et c’est ce que signifie cette figure pyramidale des cornes de Pan. Mais il ne faut pas s’étonner que ces cornes, par leur extrémités, touchent au ciel, attendu que les choses les plus élevées de la nature, c’est-à-dire les idées universelles, touchent en quelque manière aux choses divines. Aussi avait-on feint que cette fameuse chaine d’Homère, c’est-à-dire celle des causes naturelles, était attachée au pied du trône de Jupiter. Et comme il est facile de s’en assurer, il n’est point d’homme, traitant la métaphysique et ce qu’il y a dans la nature d’éternel et d’immuable, et détournant un peu son esprit des choses variables et passagères, qui ne tombe aussitôt dans la théologie naturelle, tant le passage du sommet de cette pyramide à Dieu même est rapide et facile.

     

    C’est avec autant d’élégance que de vérité qu’on représente le corps de la nature comme hérissé de poils, par suite de ces rayons qu’on trouve partout ; car les rayons sont comme les crins, comme les poils de la nature, et il n’est rien qui ne soit plus ou moins rayonnant. C’est ce qui est très sensible dans la faculté visuelle, ainsi que dans toute vertu magnétique et dans toute opération à distance. Mais la barbe de Pan surtout a beaucoup de saillie, parce que les rayons des corps célestes, et principalement ceux du soleil, exercent leur action de fort loin ; et cette action pénètre fort avant, et cela au point qu’ils ont travaillé et totalement changé la surface de la terre, et même son intérieur jusqu’à une certaine profondeur. Or, la figure qui concerne la barbe de Pan est d’autant plus juste que le soleil lui-même, lorsque sa partie supérieure étant couverte par un nuage ses rayons s’échappent par-dessous, semble avoir une barbe.

     

    C’est aussi avec raison que le corps de la nature est représenté comme participant de deux formes, vu la différence des corps supérieurs et des corps inférieurs ; car les premiers, à cause de leur beauté, de l’égalité, de la consistance de leur mouvement et de leur empire sur la terre et les choses terrestres, sont fort bien représentés par la figure humaine, la nature humaine participant de l’ordre et de la domination. Mais les derniers, à cause de leur désordre et de leurs mouvements peu réglés, et parce qu’ils sont en bien des choses gouvernés par les corps célestes, peuvent être désignés par la figure d’un animal brute. De plus, cette duplicité de forme se rapporte à l’enjambement réciproque des espèces ; car il n’est pas dans la nature d’espèce qui paraissent absolument simple ; mais chaque espèce participe de deux autres et semble en être composée. L’homme, par exemple, tient quelque peu de la brute, la brute quelque peu de la plante, la plante quelque peu du corps inanimé. Et à proprement parler, tout participe de deux formes, tenant et de l’espèce inférieure et de l’espèce supérieure, dont elle n’est que l’assemblage. Or, la parabole des pieds de chèvre représente fort ingénieusement l’ascension des corps subtils vers les régions de l’atmosphère et du ciel, où ils demeurent ainsi suspendus, et de là sont précipités vers la région inférieure plutôt qu’ils n’en descendent ; car la chèvre est un animal qui aime à gravir, à se suspendre aux rochers, à s’attacher aux corps pendant sur des précipices. C’est ce que font aussi tous les corps, même ceux qui sont destinés au globe inférieur. Aussi n’est-ce pas sans raison que Gilbert, qui a fait de si laborieuses recherches sur l’aimant, et cela en procédant par la voie expérimentale, a fait naitre ce doute, savoir : si les corps graves placés à une grande distance de la terre ne perdraient pas peu à peu leur mouvement vers le bas.

     

    On place dans les mains de Pan deux attributs : l’un est celui de l’harmonie, l’autre celui de l’empire. Il est manifeste que la flûte à sept tuyaux représente le concert et l’harmonie des choses, ou cette combinaison de la concorde avec la discorde, résultante du mouvement des sept étoiles errantes ; car on ne trouve point dans le ciel d’autres écarts que ceux des sept planètes, écarts qui, tempérés par l’égalité des étoiles fixes et la distance perpétuellement invariable où elles sont les unes des autres, peuvent bien être la cause et de la constance des espèces et de l’instabilité des individus. Mais il existe quelques planètes plus petites qui ne soit point visibles, s’il y a dans le ciel quelque changement plus considérable, tels que peuvent être ceux qu’y occasionnent certaines comètes plus élevées que la lune, ce sont comme autant de flûtes, ou tout-à-fait muettes, ou dont le son est de peu de durée, attendu que leur action ne parvient pas jusqu’à nous ou qu’elle ne trouble pas longtemps cette harmonie des sept tuyaux de la flûte de Pan. Le bâton recourbé, qui est un attribut du commandement, est une élégante métaphore pour figurer les voies de la nature, lesquelles sont en partie droites et en partie obliques. Et si c’est principalement à son extrémité supérieure que ce bâton ou cette verge est recourbée, c’est parce que les desseins de la providence s’exécutent par des détours et des circuits, en sorte que ce qui semble se faire est tout autre chose que ce qui se fait ; signification toute semblable à celle de la parabole de Joseph vendu en Egypte. Il y a plus, dans tout gouvernement humain, ceux qui sont assis au gouvernail, lorsqu’il s’agit de suggérer et d’insinuer au peuple ce qui lui est utile, y réussissent mieux à l’aide de prétextes et par des voies obliques que par les voies directes ; et ce qui peut paraitre étonnant, c’est que dans les choses purement naturelles on réussit mieux en trompant la nature qu’en voulant la forcer. Tant il est vrai que les choses qui se font trop directement sont maladroites et se font obstacles à elles-mêmes, au lieu que les voies obliques et d’insinuation font que les choses coulent plus doucement et obtiennent plus sûrement leur effet ! Rien de plus ingénieux encore que la fiction qui suppose que le manteau et l’habit de Pan est une peau de léopard, vu ces espèces de taches qu’on trouve partout dans la nature. Car le ciel, par exemple, est tacheté d’étoiles, la mer est tachetée d’îles, et la terre l’est de fleurs. Il y a plus, les corps particuliers sont presque tous mouchetés à leur surface, qui est comme le manteau, l’habit de la chose.

     

    Quant à l’office de Pan, il n’est rien qui l’explique mieux et qui le peigne plus au vif que de supposer qu’il est le dieu des chasseurs ; car toute action, et par conséquent tout mouvement et tout état progressif, n’est autre chose qu’une chasse. Par exemple, les sciences et les arts chassent aux œuvres qui leur sont propres ; les conseils humains chassent à leur buts respectifs, et toutes les choses naturelles chassent à leurs aliments pour se conserver, et à leurs voluptés, à leurs délices pour se perfectionner. Car toute chasse a pour objet une proie ou un divertissement, et cela par des moyens ingénieux et pleins de sagacité.

     

    Pan est aussi le dieu des habitants de la campagne parce que les hommes de cette classe vivent plus selon la nature, au lieu qu’à la ville la nature est corrompue par l’excessive culture ; en sorte que ce vers du poète qui peint si bien les effets de l’amour s’applique aussi à la nature, à cause des raffinements de cette espèce : Pars minima est ipsa puelle sui. (la pauvre enfant n’est plus que la moindre partie d’elle-même. Ovide) 

     

    Pan est dit présider aux montagnes, parce que sur les montagnes et autres lieux élevés la nature, se développant mieux, est plus exposée à nos regards et à nos observations. Or, que Pan soit, immédiatement après Mercure, le messager des dieux, c’est là une allégorie tout-à-fait divine, attendu qu’immédiatement après le verbe divin, l’image même du monde est l’éloge le plus magnifique de la sagesse et de la puissance divine ; et c’est ce que le poète divin a ainsi chanté : « Les cieux mêmes chantent la gloire de Dieu, et le firmament annonce les œuvres de ses mains. » Psaumes 18 : 2.

    Ces nymphes qui divertissent le dieu Pan, ce sont les âmes, car les délices du monde sont comme les délices des êtres vivants. C’est avec raison qu’on le regarde comme leur chef, attendu que, dansant pour ainsi dire autour de lui, chacune comme à la manière de son pays et avec une variété infinie, elles se maintiennent ainsi dans un mouvement perpétuel. C’est aussi avec beaucoup de sagacité que certain auteur moderne a réduit au mouvement toutes les facultés de l’âme et a relevé la précipitation et le dédain de quelques anciens qui, envisageant et contemplant d’un œil trop fixe la mémoire, l’imagination et la raison, ont oublié la force cogitative qui joue le principal rôle. Car se souvenir et même n’avoir qu’une simple réminiscence, c’est penser ; et raisonner, c’est encore penser. Enfin, l’âme, soit qu’on la suppose avertie par les sens ou abandonnée à elle-même, soit qu’on la considère dans les fonctions de l’entendement ou dans celles des affections et de la volonté, danse pour ainsi dire à la mesure de nos pensées ; c’est ce qui est figuré par cette danse des nymphes. Ces satyres et ces silènes qui accompagnent perpétuellement le dieu Pan, ce sont la jeunesse et la vieillesse ; car il est dans toutes les choses de ce monde, un âge de gaîté et d’activité, et un autre âge où elles soupirent après le repos et aiment à boire. Or, aux yeux de tout homme qui se fait des choses une juste idée, les goûts de ces deux âges peuvent paraitre quelque chose de difforme et de ridicule, comme le sont les satyres et les silènes.

     

    Quant à l’allégorie des terreurs paniques, elle renferme un sens très profond ; car la nature a mis dans tous les être vivants la criante et la terreur en qualité de conservatrice de leur vie et de leur essence, et pour les porter à éviter et à repousser tous les maux qui les affligent ou les menacent. Cependant cette même nature ne sait point garder de mesure, et à ces craintes salutaires elle en mêle de vaines et de puériles, en sorte que, si l’on pouvait pénétrer dans l’intérieur de chaque être, on verrait que tout est plein de terreurs paniques, surtout les âmes humaines, et plus que tout encore le vulgaire, qui est prodigieusement agité et travaillé par la superstition (laquelle au fond n’est autre chose qu’une terreur panique), principalement dans les temps de détresse, de danger et d’adversité. Et ce n’est pas seulement sur le vulgaire que règne cette superstition ; mais des opinions de ce vulgaire, elle s’élance dans les âmes des plus sages ; en sorte qu’Epicure, s’il eût réglé sur un même principe tout ce qu’il a avancé sur les dieux, eût tenu un langage vraiment divin lorsqu’il a dit « que ce qui est profane, ce n’est pas de nier les dieux du vulgaire, mais bien d’appliquer aux dieux les opinions de ce même vulgaire. »

     

    Quant à l’audace de Pan et à cette présomption qu’il eut de défier Cupidon à la lutte, cela signifie que la matière n’est pas sans quelque tendance, sans quelque penchant à la dissolution du monde, et qu’elle le replongerait dans cet ancien chaos si la concorde, qui prévaut contre elle et qui est ici figuré par l’Amour ou Cupidon, en mettant un frein à sa malice et à sa violence, ne la forçait pour ainsi dire à se ranger à l’ordre. Ainsi, c’est par un destin propice aux hommes et aux choses, ou plutôt par l’infinie bonté de l’Etre suprême, que Pan a le dessous dans le combat et se retire vaincu. C’est ce que signifie aussi cette allégorie de typhon embarrassé dans ses rets ; car, quoique toutes choses soient sujettes à des gonflements prodigieux et extraordinaires, et c’est ce que signifie ce mot de Typhon, soit que la mer, la terre ou les nuages qu’on voit s’enfler, c’est en vain qu’en s’enflant ainsi elles s’efforcent de sortir de leurs limites ; la nature les embarrasse dans un rets inextricable et les lie en quelque sorte avec une chaine de diamant.

     

    Or, quand on attribue à ce dieu le bonheur d’avoir trouvé Cérès, pendant une chasse, en refusant cette chance aux autre dieux, on nous donne en cela un avertissement très sage et très fondé ; c’est que, s’il s’agit de l’invention de toutes les choses utiles, soit aux nécessités, soit aux agréments de la vie, il ne faut nullement l’attendre des philosophes abstraits (qui sont comme les grands dieux), y employassent-t-ils les forces de leur esprit, mais de Pan, c’est-à-dire de l’expérience unie à une certaine sagacité, et de la connaissance universelle des choses de ce monde, laquelle assez ordinairement rencontre des inventions de cette espèce par une sorte de hasard et comme en chassant. Les plus utiles inventions sont dues à l’expérience, et sont comme autant de présents que le hasard a faits aux hommes.

     

    Quant à ce combat musical et à son issue, il nous présente une doctrine bien capable d’inspirer de la modération et de donner des liens à la raison et au jugement de l’homme lorsqu’il s’abandonne trop à ses goûts et à sa présomption. En effet, il parait y avoir deux espèces d’harmonie et pour ainsi dire de musique, savoir : celle de la sagesse divine et celle de la raison humaine ; car, au jugement humain et en quelque sorte aux oreilles humaines, l’administration de ce monde et les jugements les plus secrets de la Divinité ont je ne sais quoi de dur et de discordant : genre d’ignorance qui est avec raison figuré par les oreilles d’âne. Mais ces oreilles, c’est en secret qu’on les porte et non en public ; ce genre de difformité, le vulgaire ou ne l’aperçoit pas, ou ne le remarque point.

     

    Enfin, il n’est pas étonnant qu’on n’attribue à Pan aucunes amours, si ce n’est son mariage avec Echo ; car le monde jouit de lui-même et en lui-même jouit de tout. Or, qui aime veut jouir ; mais au sein de l’abondance il n’est plus de place pour le désir. Ainsi le monde ne peut avoir ni amour ni désir, vu qu’il se suffit à lui-même, à moins qu’on  ne le dise amoureux des discours. Et c’est ce que représente la nymphe Echo, qui n’est rien de solide, et se réduit à un pur son. Si ces discours sont un peu soignés, ils sont alors figurés par Syrinx ; je veux dire les paroles qui sont réglées par certains nombres, soit poétiques, soit oratoires, et qui forment une sorte de mélodie. C’est donc avec raison que, parmi les discours et les voix, l’on choisit Echo pour la marier avec le monde ; car la vraie philosophie, après tout, c’est celle qui rend fidèlement les paroles du monde même, et qui est en somme écrite sous sa dicté, qui n’en est que le simulacre, l’image réfléchie, qui n’y ajoute rien du sien, et se contente de répéter ce qu’il dit et de faire entendre précisément le même son. De plus, lorsqu’on feint qu’autrefois Pan évoqua la lune dans de hautes forêts, cette fiction désigne le commerce des sens avec les choses célestes ou divines. Car autre est le commerce de la lune avec Endymion, autre son commerce avec Pan. Quant à Endymion, elle s’abaisse à venir d’elle-même le trouver durant son sommeil. C’est ainsi que les inspirations divines s’insinuent dans l’entendement assoupi et dégagé des sens. Mais si elles sont comme invitées et appelées par les sens (que Pan représente ici), alors elles ne nous donnent plus que cette faible lumière, Quale sub incertam lunam, sub luce malignâ, Est iter in sylvis. (Tel, lorsqu’un voile épais des cieux cache l’azur, au jour pâle et douteux de leur lumière avare, dans le fond des forêts le voyageur s’égare. Virgile).

     

    Que le monde se suffise à lui-même et ait tout ce qu’il lui faut, c’est ce qu’indique la fable en disant qu’il n’engendre point. En effet, le monde engendre par parties ; mais comment par son tout pourrait-il engendrer, vu que, hors de lui, il n’est point de corps ?

     

    Quant à cette femmelette, à cette Iambe, fille putative de Pan, c’est une addition fort judicieuse à la fable. Elle représente toutes ces doctrines babillardes sur la nature des choses, qui vont errant ça et là dans tous les temps : doctrines infructueuses en elles-mêmes, qui sont comme autant d’enfants supposés, agréables quelques fois par leur babil, mais quelquefois aussi importunes et fatigantes.

     

  • Orphée, ou la philosophie.

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    D’après François Bacon Verulam

     

    Orphée ayant eu sa bien aimée ravie par la mort, résolut de descendre aux enfers pour essayer à l’aide du pouvoir de sa harpe de la récupérer. Et en effet il parvint si bien à adoucir et apaiser les puissances du mal par les douces mélodie de sa harpe et de sa voix qu’il obtint d’elles le privilège de la reprendre à la condition expresse qu’elle le suive et qu’il ne se retourne pas pour s’en assurer, jusqu’à ce qu’ils atteignent la lumière du jour. Mais, rendu impatient par la tendresse et l’affection, et croyant le danger passé, il se retourna. Ainsi la consigne étant  rompue, elle fut précipitée à nouveau chez Pluton. A partir de ce moment Orphée devenu pensif et triste, ennemi déclaré du sexe, se réfugia dans la solitude. De là, par le même pouvoir de sa harpe et de sa voix, il attira des bêtes sauvages de toutes sortes autour de lui, lesquelles oubliant leur nature, ni poussées par la revanche, la cruauté, la luxure, la faim ou le désir de proie, se tinrent devant lui comme subjuguées, apprivoisées, captivées par la musique.  La puissance et l’efficacité des harmonies de cette musique fut telle que même les arbres et les pierres en vinrent à se déplacer et venir se ranger autour de lui. Après un certain temps de cette pratique admirable la femme Thrace, poussée par Bacchus, se mit à souffler si outrageusement dans une trompette que cela couvrit presque entièrement la musique d’Orphée. Ainsi la puissance, qui servait de lien à leur société et qui tenait les choses en ordre, étant dissolue, la perturbation et le désordre de nouveau apparurent, chaque créature retournant à son état naturel, se mit à poursuivre et traquer son voisin comme auparavant. Les pierres et les forêts reprirent leurs anciennes places. Et même Orphée fut à la fin mis en pièces par les furies et ses membres répandus à travers le désert. Mais pour venger sa mort la rivière Hélicon, sacré des muses, se cacha sous la terre pour en ressortir en d’autres lieux. 

     

     

    Voici quel parait être le vrai sens de cette fable. La musique d’Orphée est de deux sortes. L’une qui apaise les puissances de l’enfer, et l’autre qui rassemble les bêtes sauvages et les arbres. La première est reliée à une philosophie de la nature tandis que la seconde l’est à une philosophie morale et politique.

    Car le but le plus élevé de la philosophie est de rétablir entièrement les choses corrompues en les ramenant à leur premier état ou de les conserver dans leur état actuel en les préservant de toute dissolution, ou du moins en retardant leur putréfaction, ce qu’on peut regarder comme le premier et le plus faible degré de l’effet à produire. Or, si une telle entreprise n’est pas impossible, il est évident qu’on ne peut l’exécuter que par une judicieuse combinaison des substances et des forces contraires de la nature habilement tempérées les unes par les autres, combinaison élégamment figurée par les doux accords et la savante harmonie de la lyre d’Orphée. Cependant une telle entreprise étant toute hérissée de difficultés, rarement les tentatives en ce genre sont heureuses. La cause de ces mauvais succès n’est autre, selon toute apparence, que la précipitation, la minutieuse exactitude, la pesante assiduité et le désir excessif d’être instruit avant le temps ; d’où il arrive que la philosophie, après avoir manqué le but, affligée avec raison de l’impuissance de ses efforts, se tourne vers les choses humaines, et, subjuguant les âmes par la douceur de l’éloquence et par la force de persuasion, y insinue l’amour de la vertu, de la justice et de la paix, engage les hommes à se réunir pour ne plus former qu’un seul corps, à subir le joug sacré des lois, à se soumettre à l’autorité d’un gouvernement, à réprimer la violence de leurs passions, à écouter les sages maximes que la philosophie leur enseigne et à les suivre pour leur propre utilité. Lorsque ces leçons de la philosophie fructifient, des édifices s’élèvent, des villes sont fondées, des champs ensemencés, des arbres plantés ; travaux élégamment figurés par ces arbres et ces pierres qui viennent se poser et se ranger avec ordre autour d’Orphée. C’est encore avec beaucoup de jugement et de méthode que l’inventeur de cette fable suppose que les philosophes ne sont occupés de la formation ou de la conservation des sociétés humaines qu’après avoir entrepris de restaurer entièrement ou de rajeunir un corps mortel, et avoir manqué tout-à-fait le but ; car c’est une considération plus sérieuse et un sentiment plus profond de l’inévitable nécessité de mourir qui excite les hommes à aspirer avec tant d’ardeur à un autre genre d’éternité en éternisant leur nom par des actions, des productions ou des services qui laissent un long souvenir. C’est encore avec fondement que le poète feint qu’Orphée, après avoir sans retour perdu son épouse, eut de l’aversion pour les femmes et le mariage ; car les douceurs du mariage et les tendres sollicitudes attachées à la paternité sont autant d’obstacles qui détournent les hommes des hautes entreprises et les empêchent de rendre à leur patrie ces services mémorables dont nous venons de parler, parce qu’alors, contents de se perpétuer par leur race et leur postérité, ils sont moins jaloux de s’immortaliser par de grandes actions. Cependant quoique les œuvres de la sagesse politique tiennent le premier rang parmi les choses humaines, leurs effets ne s’étendent que sur certaines contrées, ils n’ont qu’une durée limitée, et la période où leur influence est circonscrite une fois révolue, tout s’efface à jamais ; car après que les empires, soit royaumes, soit républiques, ont fleuri et prospéré pendant un certain temps, la paix y est troublée par des révoltes, des séditions, des guerres ; au bruit des armes les lois se taisent, et les hommes retournant à leurs inclinations dépravées, les champs sont ravagés et les villes renversées. Peu de temps après, si ces fureurs sont de quelques durée, les lettres mêmes et la philosophie sont tellement déchirées qu’il n’en reste plus que quelques fragments dispersés comme les débris d’un naufrage et où se trouvent quelques planches sur lesquelles se sauvent un petit nombres de vérités précieuses, et alors règne l’ignorance avec la barbarie, l’Hélicon dérobant ses eaux à la lumière et coulant sous terre. Cependant, en conséquence de la vicissitude naturelle des choses humaines, au bout d’un certain temps ces eaux se font jour encore à la surface et y coulent de nouveau, mais dans d’autres lieux et pour d’autres nations. 

  • Dédale, ou le mécanicien.

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    d'après François Bacon Verulam

    Les anciens ont voulu représenter sous le personnage de Dédale, homme à la vérité très ingénieux et très inventif, mais dont la mémoire doit être en exécration, la science, l’intelligence et l’industrie des mécaniciens, des artistes ou des artisans, mais appliqué à de criminels usages ; en un mot, l’abus qu’on peut en faire, et même qu’on en fait que trop souvent. Ce Dédale, après avoir tué son condisciple et son émule, ayant été obligé de s’expatrier, ne laissa pas de trouver grâce devant les rois des autres pays et d’être traité honorablement dans les villes qui donnèrent asile. Il inventa et exécuta une infinité d’ouvrages mémorables, soit en l’honneur des dieux, soit pour la décoration des villes et des lieux publics ; mais cette grande réputation qu’il avait acquise, il la devait moins à ces ouvrages estimables qu’au criminel emploi qu’il avait fait de ses talents ; car ce fut sa détestable industrie qui mit Pasiphaé à portée d’avoir un commerce charnel avec un taureau ; et ce fut à son pernicieux génie que le Minotaure, qui dévora tant d’enfants de condition libre, dut son infâme et funeste origine. Puis ce mécanicien, ne réparant un mal que par un mal plus grand, et entassant crime sur crime, imagina et exécuta le fameux labyrinthe pour la sûreté de ce monstre. Par la suite, Dédale n’ayant pas voulu devoir sa réputation uniquement à des inventions et des ouvrages nuisibles (en un mot ayant voulu fournir lui-même des remèdes au mal qu’il avait fait, comme il avait précédemment fourni des instruments au crime), ce fut encore à lui qu’on dut l’ingénieuse idée de ce fil à l’aide duquel on pouvait suivre tous les détours du labyrinthe et le parcourir en entier sans s’y perdre. La justice de Minos s’attacha longtemps à poursuivre ce Dédale avec autant de diligence que de sévérité ; mais toutes ces perquisitions furent inutiles ; le mécanicien trouva toujours des asiles et échappa à toutes les poursuites de ce juge inexorable. Enfin, lorsque Dédale voulut apprendre à son fils* l’art de traverser les airs en volant, celui-ci, quoique novice dans cet art, s’éleva trop haut et fut précipité dans la mer.

     

    Voici quel parait être le sens de cette parabole ; elle commence par une observation très judicieuse sur cette honteuse passion qu’on voit souvent régner entre les artistes distingués par leur talents et qui les domine à un point étonnant ; car il n’est point de jalousie plus âpre et plus meurtrière que celle des hommes de cette classe ; observation suivie d’une autre destinée à montrer combien cette punition de l’exil, infligée à Dédale, était peu avisée et mal choisie. En effet les artistes, les artisans et les gens de lettres distingués sont accueillis honorablement chez presque toutes les nations, en sorte que l’exil est rarement pour eux un véritable châtiment ; car les hommes des autres professions ou conditions ne tirent pas aussi aisément pati de leurs talents hors de leur patrie, tandis que l’admiration qu’excitent les hommes de talent et leur renommée se propage et s’accroît plus facilement en pays étrangers, la plupart des hommes étant naturellement portés à donner la préférence aux étrangers sur leur concitoyens relativement aux ouvrages et aux productions de ce genre.

     

    Ce que cette fable dit ensuite des avantages et des inconvénients des arts mécaniques est incontestable. En effet, la vie humaine leur doit presque tout. Elle leur doit tout ce qui peut contribuer à rendre la religion plus auguste, à donner au gouvernement plus de majesté et à nous procurer le nécessaire, l’utile ou l’agréable. Car c’est de leurs trésors que nous tirons tout ou presque pour satisfaire nos vrais et nos faux besoins. Cependant, c’est de la même source que dérivent les instruments de mort. Car sans parler de l’art des courtisanes et de tous ces arts corrupteurs qui leur fournissent des armes, nous voyons assez bien combien les poisons subtils, les machines de guerre et autres fléaux de ce genre ( que nous devons au génie inventif des mécaniciens et autres physiciens), l’emportent par leurs effets meurtriers sur l’affreux Minotaure.

    Le labyrinthe est un emblème très ingénieux de la nature de la mécanique prise en général. En effet, les inventions et les constructions les plus ingénieuses de cette sorte peuvent être regardées comme autant de labyrinthes, vu la délicatesse, la multitude, le grand nombre, la complication et l’apparente ressemblance de leurs parties, dont le jugement le plus subtil et l’œil le plus attentif ont peine à saisir les différences. Assemblages où, sans le fil de l’expérience, on court le risque de se perdre. C’est avec autant de justesse et de convenance qu’on ajoute dans cette fable que ce fut le même homme qui imagina tous les détours du labyrinthe et qui donna l’idée de ce fil à l’aide duquel on pouvait le parcourir sans s’y perdre. Car les arts mécaniques ayant leurs inconvénients ainsi que leurs avantages sont comme autant d’épées à deux tranchants qui servent tantôt à faire le mal, tantôt à y remédier. Et le mal qu’ils font parfois balance tellement le bien qu’ils peuvent faire que leur utilité semble se réduire à rien. Les productions nuisibles des arts et les arts eux-mêmes, lorsqu’ils sont pernicieux de nature sont exposés aux poursuites de Minos, c’est-à-dire à l’animadversion ( la répulsion) des lois qui les condamnent, les punissent et les interdisent au peuple. Cependant, en dépit de toute la vigilance du gouvernement, ils trouvent toujours moyen de se cacher et de se fixer dans les lieux mêmes d’où l’on veut les bannir. Ils trouvent partout une retraite et un asile. C’est ce que Tacite lui-même observe très judicieusement sur un sujet très analogue à celui-ci, je veux dire sur les mathématiciens et les tireurs d’horoscopes : « classe d’hommes, dit-il, qu’on voudra sans cesse chasser de notre ville et qui y restera toujours. »

    Cependant les arts néfastes ou frivoles de toutes espèces, qui font toujours de magnifiques promesses, ne tenant presque jamais parole, se discréditent tôt ou tard, en conséquence de leur étalage même. Et, s’il faut dire la vérité tout entière à ce sujet, le frein des lois serait toujours insuffisant pour les réprimer, si la vanité même de ces charlatans ne désabusait tôt ou tard l’homme du commun auquel ils ont d’abord fait illusion. 

     

    * ce fils n’est autre que Icare.

  • Thiton, ou la satiété.

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     D’après François Bacon Verulam


    Une fable très ingénieuse dit que l’Aurore aima Tithon et que souhaitant vivre éternellement avec lui, elle supplia Jupiter d’accorder à son amant le don de l’immortalité ; or, par une étourderie assez ordinaire chez une femme, elle oublia de demander aussi qu’il fût exempt de vieillir. En conséquence Tithon, devenu immortel, mais vieillissant de plus en plus et accablé des maux de la vieillesse qui allaient toujours grandissant (la mort qui lui était refusée ne pouvant y mettre fin), devint le plus malheureux des hommes. Heureusement pour lui, Jupiter le prit en pitié et le changea en cigale.

     Cette fable est un emblème ingénieux de la volupté et de ses inconvénients. En effet, la volupté, à ses débuts, qu’on peut regarder comme son aurore, est si agréable aux hommes qu’ils souhaiteraient que ces jouissances fussent éternelles, oubliant trop vite que tous ces plaisirs doivent finir par l’ennui et le dégoût, qui est comme la vieillesse de la volupté. En sorte qu’à la fin, les hommes n’étant plus capables de jouissances effectives, mais n’ayant perdu que le pouvoir de jouir, sans en avoir perdu le désir et la volonté, aiment en général à parler des plaisirs qu’ils ont goûtés dans la force de l’âge, se contentant alors de simples discours sur ce sujet et de ces jouissances idéales. C’est ce qu’on observe surtout chez les hommes très portés sur le sexe et chez les guerriers de toute sorte. Les premiers dans leur vieillesse aiment les discours obscènes, et les derniers, au même âge, se plaisent à raconter leurs prouesses ; en quoi les uns comme les autres ressemblent aux cigales dont toute la force est dans la voix !

     

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  • ECRIRE OU N'ÊTRE PAS

    « William Shakespeare est sans comparaison possible le meilleur William Shakespeare, mais il fait un Proust hésitant, incomplet, amnésique, il est un Diderot décevant, un Faulkner vraiment trop approximatif et, quitte à passer pour un présomptueux, je trouve même que comme Eric Chevillard, il ne me vaut pas. »

    Si Shakespeare valait tous les écrivains cités par Chevillard, lui y compris, on pense bien qu’il ne serait pas Shakespeare. L’ambigüité du propos de Chevillard n’est qu’un reflet de son hypocrisie ou tout au plus de sa bêtise. A moins que ce ne soit un éloge pudique rendu à S. Car ce dernier est déterminé, complet, historien, loyal, précis et jamais ambiguë. Peut-on lui reprocher d’être incompréhensible à un graphomane du 21ème siècle ? 

  • Ténébreuse Affaire

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    "Mais sous un angle européen, parler régions pour aborder le développement durable semble faire ses preuves: peut-être avez vous entendu parler des programmes INTERREG IV ou URBAN II? Si cela ne vous dit rien, retenez déjà ceci: «Think globally, act locally». Car le développement durable a beau être mondial, européen, ou régional, il est avant tout citoyen. Avez-vous éteint la lumière avant de sortir?"

    Tiré de l’article d’un journal sur l’internet nommé Europe. Penser globalement, agir localement, c’est exactement le mot d’ordre des nazis. Ce qui trompe c’est encore une fois ce terme de global. On voit que l’erreur (volontaire ?) de traduction au procès de Nuremberg sert à faire passer ce qui aurait sauté aux yeux. Goebbels s’était en effet dressé contre cette traduction, solution finale, car final indique une fin, un but, ce que n’implique pas les termes total et global. Autrement dit on fait endosser au régime nazi une intention qu’on ne semble pas vouloir assumer : éteindre la lumière derrière soi !

    Et effectivement quand on est dans les ténèbres on ne peut guère agir que localement, voire à tâtons.

  • AIMEZ LE JAPON OU QUITTEZ-LE !

     

    Paru dans Au Trou !? N°20

    par Bardamor

     

    On a beau, anarchiste, voir la civilisation comme un fantasme sado-maso, une superstition inculquée par les intellectuels au peuple afin de mieux le méduser, malgré ça il faut avouer que le suicide du Japon est un spectacle qui ne manque pas de panache.

    Et si toutes les nations, suivant l'exemple japonais, se sabordaient à leur tour les unes après les autres ? On aurait peut-être enfin la paix…

    Il se trouve sans doute en France quelques officiers de marine efféminés pour compatir sincèrement aux malheurs du Japon, contrairement aux hypocrites messages de condoléance des diplomates, pendant qu’on évacue les ressortissants français, journalistes en tête.

    Encore faut-il comprendre que la sincérité qui vient des tripes du matelot est très proche de la politesse japonaise, ou du fameux principe de l'enfoiré qui donne... au cas où il se retrouverait à son tour dans la merde.

    - Sur le caractère de « hara-kiri », d'abord, de la catastrophe japonaise : il faut comprendre que la course à l'armement technologique revient à la captation des puissances ou énergies naturelles. Le « génie civil » consiste à imiter ou reproduire les mouvements mécaniques ou chimiques.

    Or, le suicide ou l'« autosacrifice », nécessairement un geste rituel, consiste à retourner contre soi le moyen même, ou bien la puissance, qu'on a toujours poursuivie comme un mirage. Il n'est pas rare que le moyen même mis en œuvre par l'officiant pour s'immoler sur le bûcher des vanités indique à quelle divinité il est soumis ; ainsi le trésorier ou le rhéteur sera-t-il tenté par la corde, symbolique du lien social essentiel que constituent les mots ou l'argent.

    Il y a bien un aspect cinématographique ou « d'arroseur-arrosé » dans ces explosions nucléaires au pays du Soleil Levant où le culte de la lumière (solaire) vient de se retourner contre ses adeptes.

    - Rappelons ensuite l'hostilité française ancestrale au Japon et à ses traditions, à l’exception de quelques sado-masochistes, lubrifiés rien qu'à l'idée du rasoir ou de la corde.

    Selon une tradition française assez solidement établie, le « sens de l'honneur » n'est pas le propre des héros, comme au Japon, mais celui des cocus d'abord. On voit que l'adage français n'est pas loin de se réaliser puisque, comme « cocus de la modernité », on pourra peut-être bientôt décerner au Japon une médaille à titre posthume.

    Le caricaturiste Cabu, d'un reportage au Japon, tire l'enseignement touristique suivant : « Le Japon, c'est pas la peine d'y aller, c'est comme l'île Seguin en plus gros. »

    Pire encore et qui pourrait valoir à Cabu des poursuites judiciaires si Cabu s'appelait Eric Zemmour et émargeait au parti concurrent : « Le Japon, c'est comme la banlieue de Los Angeles. Mais dans la banlieue de Los Angeles, il y a un quartier japonais, tandis qu'au Japon, il n'y a QUE des quartiers japonais. »

    Paul Claudel fut ambassadeur au Japon. Bien qu’il soit comme F. Nietzsche le type même de l’homo refoulé amoureux de la Rome antique, on peut parier que sa correspondance cache quelque coup de poignard secret contre le Japon (Il n’est pas rare que deux paysans, exploitant deux cultures voisines, se « tirent la bourre ».)

    En feuilletant un livre de contes japonais pour enfants, je suis frappé par leur mélancolie, encore plus amère que la philosophie prussienne ; tandis qu'il y a un certain nombre de contes et de mythes anarchistes dans la tradition occidentale. Pas difficile avec ça pour le gouvernement japonais de recruter des kamikazes ou des volontaires pour le suicide nucléaire.

    Il n'y a personne de grotesque en France comme l'Empereur du Japon, sauf Jean d'Ormesson dans son costume d'académicien français, avec sa commisération débordante pour le Japon, pleine de conditionnels et de subjonctifs du passé. Sauf qu'il ne faut pas trop compter sur ce clown pour se faire « hara-kiri » pour autant.

  • Franche Cacophonie

    Non que je me juge tenu de rendre des comptes à qui ce soit, si ce n’est au Père Eternel, mais je me sens parfois de pouvoir aider mon prochain. Ainsi d’une soirée à laquelle j’ai assisté dernièrement. L’Institut français d’Ukraine organisait dans le cadre d’une semaine de la francophonie, genre de concept religieux républicain correspondant peu ou prou à la Pâques chrétienne (traversée du désert), une petite sauterie où se trouvait réunis cinq ou six écrivains francophones ou francophiles ayant en commun de ne pas posséder de passeport français comme votre serviteur. Six personnes en tout dont cinq femmes. Je disais cinq ou six écrivains car si j’ai bien suivi, une ou deux de ces dames étaient des traductrices ayant bien sûr commis dans leur prime jeunesse quelques poèmes mais rien d’actuel leur permettant d’accéder au statut tant envié d’Auteur, avec un grand A comme dans Amour, Anarchie ou encore A-la-tienne-Etienne. Au centre de la tablée en ligne, on avait installé Kourkov, l’auteur de roman de gare ukrainien, francophile, le tout faisant face au public composé, à mon insu, de sommités tels l’ambassadeur du Canada, l’attaché culturel française et je ne sais quel fonctionnaire suisse de la kulture ainsi que quelques clampin curieux et ne comprenant pas assez de français  et nous imposant une traduction qui nous fit perdre la moitié du temps imparti. La présentation dura de fait une bonne heure, usant ma patience que je soulageai en prenant des notes, exercice salvateur en ce genre de situation. Ainsi pris-je le temps de noter les talons de toutes ces dames, plus ou moins hauts, la suite me le prouva, en proportion de leur engagement politique (les plus hauts correspondants aux moins engagées). Autrices ou auteuses, je sais jamais, talonnées, écrivis-je donc sur le moment, et je peux rajouter aujourd’hui, talonnées par le temps. Quand enfin nous fûmes mis au courant des parcours et origines culturelles des unes et de l’autre, le traducteur se mit en devoir de devenir animateur en posant les questions les plus attendues possible. Devant la nécessité démocratique de laisser à chacun le droit de réponse pour chaque question, la traduction en sus, il s’avéra rapidement qu’à moins de commencer un roman sur le champ, j’allais plus avoir beaucoup d’observations nouvelles à me mettre sous la plume. Me connaissant, il devenait dès lors inévitable que j’intervinsse.

    N’étant pas dans mon porc intérieur issu du jambon de Jupiter, c’est en des termes interrogatifs simples et sincères que j’interrompis ce pénible questionneur pour lui prendre sa place, était-il possible au public de poser à son tour des questions, demandai-je en enrobant le tout de l’expression de mes sentiments les plus dévoués, agréés incontinent par le bonhomme après un échange rapide de regard avec son supérieur hiérarchique, le directeur exécutif de l’IF en personne, lui-même autorisé d’un vif coup d’œil par le véritable et vénérable directeur à savoir, l’attaché culturel de l’ambassade de France. Tout ceci fut assez rapide ne me laissant que le temps de poser la question la plus naturellement évidente qui me vint à l’esprit compte tenu de la liberté avec laquelle je m’étais autorisé à la ramener, à savoir qu’elle était donc cette liberté dont ces augustes travailleurs de la langue française avaient plein la bouche. Je le répète, ceci fut dit en des termes simples et dépourvus d'ironie ce qui me valu une salve d’applaudissement du public, que je fis d’ailleurs cesser par un mouvement d’épaule indisposé. J'allais quand même pas voler la vedette à nos invités  parfois venus de loin (Québec pour l’une) pour une question de simple bon sens.

    Ce fut l’auteuresse suisse qui fut désignée ou s’auto-désigna pour répondre. A ma grande stupeur, et ma gêne insondable, elle le fit en m’agrippant de la prunelle, me crochetant sans pitié de son regard mi-fromage mi-chocolat. Craignant le renvoi inconvenant qu’un tel mélange ne manque jamais de provoquer, je fis mine de prendre des notes afin de me libérer de cette étreinte romande et vache en l’occurrence. Certes je l’avais bien mérité et sans doute lui aurais-je reproché de m’éviter de l’œil mais il se pouvait trouver un compromis respectant et ma pomme et le public. Comme ce compromis ne lui venait pas à l’esprit et qu’elle s’égayait de plus en plus masochistement dans la boue stérile de la relativité einsteinienne, entérinée par toutes les banques de son pays, (chacun sa liberté etc.), je me lançais très charitablement à son secours en empruntant mon canasson préféré, à savoir: William Shakespeare. Ne voyez-vous pas, lui dis-je d’un air navré, que comme le dit Shakespeare par la voie et la voix d’Hamlet dans le célèbre monologue to be or not to be que la conscience, (parfois traduit en français par réflexion) fait de nous des lâches  ? ce à quoi elle répliqua que la réflexion pouvait aussi nous rendre courageux et que sa réflexion n’engageait qu’Hamlet. Merde alors ! m’exclamai-je en mon Lord intérieur bois précieux cuir de Russie. Aussitôt je m’employai à rectifier et de montrer que par exemple je n’avais guère moi-même réfléchis avant de prendre la parole au risque de passer pour un je-ne-sais-quoi, sans quoi je me fusse bien volontiers abstenu et ce d’autant plus que j’ignorais alors la présence de personnes fort capables de me nuire dans mon tort extérieur. On croit l’exemple contagieux, je connais même un type qui a cru bon d’offrir une récompense au savant capable de trouver le virus de l’exemple, mais c’est un tort. Car c’est au nom de la liberté qu’on me fit taire quand j’évoquais le libéralisme ordinaire nazi. Et c’est ainsi que je venais de prouver que son chacun sa liberté signifiait en vérité chacun son idée de la liberté.

    De fait la liberté est un concept religieux qui n’a rien à voir avec la libération chrétienne. Et d’ailleurs comme le fit remarquer l’auteur comptable Kourkov, elle n’a pas le même prix à Paris qu’à Moscou. En effet elle rapporte beaucoup plus à Moscou, et ce n’est pas son compère V. Sorokine qui dira le contraire, lui qui vend très bien sa contestation de Poutine à Paris, tout en restant tranquillement et confortablement dans son pays avec ses euros. A qui veut-on faire croire que la liberté existe si ce n’est à des esclaves ? La seule chose dont il vaille la peine de se libérer est notre condition humaine, et donc de la mort. Tout le reste est de la littérature de zombies faite par des zombies pour des zombies. Laissons les morts ennuyer les morts. Amen !

  • Chronique UA.

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    Lundi

    Rien que la liste sèche de l’actualité qui me touche mangerait toute la place que m’accorde mon rédac-chef bien-aimé : Japon, Lybie, Pays arabes, Afrique, France, Russie, Chine, etc. L’impression d’un foutu jeu de « unes » où le vrai Pouvoir (médiatique) bat les cartes pour en retourner une au hasard.

    Ma situation perso reflète un peu le bordel mondial, sauf que je sais couper mon téléphone le temps que change le temps et qu’Eole disperse les délétères nuages radioactifs de l’amour-propre.

     

    Mardi

    Une 16e expédition ukrainienne part pour l’Antarctique. Le pays pleure pour obtenir de l'Europe le pognon dont il a besoin pour ses infrastructures et envoie à grands frais des types vérifier ce qu’on sait depuis l’Antiquité, à savoir que l’eau tiède gèle plus vite que l’eau froide. Me doute que c’est qu’une excuse scientifique pour aller chercher du gaz ou du pétrole. Vu qu’ils ont hérité d'une station british (Faraday, sponsorisée par BP), tous les doutes sont permis.

     

    Mercredi

    Ma Pénélope a un pied dans la tombe (ses enfants, son talon d’Achille) ; je m’emploie donc à la dégager en tirant sur l’autre… tu parles d’un panard ! Elle refuse de laisser sa descendance à son cocu de mari, sous prétexte que la belle-mère aura tôt fait de se les approprier : pauvres gnards ! pas encore sujets de droit, et déjà objets de transaction.

     

    Jeudi

    En découvrant ma jeune protégée africaine assise dans ma bagnole, mon ex-femme ukrainienne born in  the USSR, qui avait besoin de mon passeport pour obtenir un visa français, s’est refusée à prendre le café avec moi sous prétexte que "I was sitting with a Negro".. Je pense qu’elle a voulu dire nigger à la façon dont sa bouche s’est tordue de mépris. Comme en français, c’est "négro" et non "nègre" qui est illégal,  je décide de l’aider à NE PAS obtenir le visa en question ; comme ça pas de risque d'embrouille à Roissy avec un préposé antillais maîtrisant mal la langue de Shakespeare. Ma charité dépasse les frontières de la France, puisque c’est tout l'espace Schengen qui lui sera inaccessible, le temps qu’elle déniche un fonctionnaire ukrainien corruptible, ce qui ne devrait pas trop tarder (chacun sait que les fonctionnaires français sont incorruptibles en dessous de quatre ou cinq chiffres).

     

    Vendredi

    L’hystérique Poutine fait sa crise de jalousie et annonce que la Russie, sa "matrie" (en russe le mot « patrie » vient du mot « mère »), abaissera ses barrières  douanières si l'Ukraine conclut un pacte commercial avec l’Europe.

     

    Samedi

    Je fais la connaissance au cours d’une petite sauterie organisée par l’Institut français de l’attachée culturelle, une rombière au sourire hypocrite et vaguement sado-maso (comme il se doit pour une attachée culturelle).

    L’auteur ukrainien de roman de gare traduits en français, A. Kourkov, m’ayant fait passer pour un anar, j’ai évoqué Brassens pour me… dédouaner.

    Vu que "Au Trou !?" est désormais traduit en russe par un blogueur, j’ai de plus en plus de mal à passer inaperçu. Pourvu que je ne m'autocensure pas !

     

    Dimanche

    La messe en russe vaut bien celle en latin pour ce qui est du mystère magique. Je m’y emmerde moins qu’avec ces foutus calotins maniaques de la francophonie.

  • Dialogue avec "L’Antéchrist"

     

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    Par TELEMAX paru dans AU TROU!? n° 17

     

    « Le parallèle entre le système hitlérien et la Rome antique serait incomplet s'il se limitait aux méthodes de la politique extérieure. Il peut s'étendre au-delà ; il peut s'étendre à l'esprit des deux nations. Tout d'abord, la vertu propre de Rome était la même qui d'un certain point de vue met l'Allemagne du XXe siècle au-dessus des autres nations, à savoir l'ordre, la méthode, la discipline et l'endurance, l'obstination, la conscience apportées au travail. La supériorité des armes romaines était due avant tout à l'aptitude exceptionnelle des soldats romains aux travaux ennuyeux et pénibles (...).

    Tant que la machine de l'Empire resta intacte, aucune fantaisie de la part des empereurs ne put en compromettre le fonctionnement efficace. Dans cet ordre de vertu, Rome a mérité les louanges ; mais elles doivent se borner là.

    L'inhumanité était générale dans les esprits et dans les mœurs. Dans la littérature latine on trouve peu de paroles qui rendent un véritable son d'humanité, tandis qu'on en trouve tant dans Homère, Eschyle, Sophocle et les prosateurs grecs (...) » Simone Weil

     

    Cette comparaison entre Rome et le régime nazi permet de caractériser Simone Weil comme l'anti-Nietzsche. Je cite le moraliste polonais à son tour :

    « On peut faire une assimilation parfaite entre le chrétien et l'anarchiste : leur but, leur instinct, c'est seulement la destruction. (...) Le chrétien et l'anarchiste : tous deux décadents, tous deux incapables d'agir autrement qu'en dissolvant, en empoisonnant, en rabougrissant, en suçant le sang, tous deux avec l'instinct de haine à mort contre tout ce qui se tient debout, se dresse dans sa grandeur, a de la durée, promet de l'avenir à la vie... Le christianisme a été le vampire de l’empire romain. (...) » (L'Antéchrist, 1895)

     

    Dans l'édition Flammarion que j'ai entre les mains, il faut dire que c'est une merveille d'hypocrisie la manière dont le traducteur et commentateur, Eric Blondel, contourne le problème de l'expression par Nietzsche des valeurs nationales-socialistes que sont le culte des héros, le millénarisme (séculier), la volonté de puissance, le goût de la « culture », vocable républicain pour désigner la religion, l'élitisme appuyé sur la médiocrité, sans oublier le darwinisme social. Qu’aurait pensé Nietzsche de tous les démocrates-chrétiens qui, aujourd’hui, lui tressent des couronnes de laurier, l’auguste Jean-Paul Marion en tête ? Peut-être aurait-il dû reconnaître son oubli de la contribution de l’hypocrisie et de l’opacité des comptes à la puissance des nations. Erreur qui fut celle-là même commise par le régime nazi. Le Capital se montre habile à se servir de la pensée réactionnaire comme d’une avant-garde. Y compris et surtout lors du processus de métamorphose révolutionnaire.

    Le darwinisme permet non seulement de comprendre la compatibilité du national-socialisme avec la philosophie morale libérale, mais aussi le rôle de « loi naturelle » déterminant qu’il joue, le choc inévitable entre le régime de droit darwinien et la loi naturelle islamique, moins anthropologique.

    Aucun édifice juridique ne peut se passer d'un principe légal mystique tel que le droit naturel, depuis l'Antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours, afin de légitimer l’édifice et renforcer son caractère coercitif. Précisons pour mieux comprendre le rôle du darwinisme, que l'élaboration de la loi naturelle est vers quoi convergent tous les arts dits « anthropologiques », à commencer par la géométrie et l'algèbre.

    En effet le caractère divin des éléments naturels, pleinement assumé dans les religions théocratiques antiques, bien qu'artificieux, ce que laisse entrevoir la sacralisation de la fonction publique, parée d'attributs mystiques, s'est effacé au cours des siècles à mesure que l'anthropologie a évolué vers un raffinement toujours plus grand (même les rituels maçonniques inspirés de l’animisme égyptien paraissent aujourd’hui ringards).

    La loi naturelle darwinienne est adaptée à la nouvelle structure de droit identitaire ou existentialiste, notamment en Occident, ou peu d’individus sont consciemment disposés à se sacrifier au profit du corps social tout entier. Une certaine forme d’anarchie, insuffisante car le produit de l’abondance de biens en Occident, se situe à ce niveau, a contrario du sacrifice auquel l’esclave chinois est disposé de sa vie sur l’autel d’un futur abscons et desservi par un clergé dont les dents rayent le parquet.

    Nietzsche est par conséquent fondé à dire les chrétiens ou les anarchistes, voire les juifs, insoumis à la puissance publique et à ses effets ; encore une fois, le judaïsme (non pas le sionisme), s’appuie sur le genre viril, et la société n’admet pas cette position, bien que ce soit la raison du moindre mépris de Nietzsche vis-à-vis des juifs, et que sa haine vise surtout le Christ et les anarchistes.

    La remarque de Nietzsche n'a rien d'ailleurs d'extra-lucide en ce qui concerne le christianisme, puisqu'un lecteur moyen et honnête du Nouveau Testament pourra y lire partout le mépris exprimé par le Christ de toutes les institutions les plus temporelles, du mariage aux funérailles en passant par la fiscalité, jusqu’aux institutions politique et religieuse elles-mêmes. Mieux, on voit le Christ s'opposer brutalement à l'instinct de ses apôtres qui les ramène à la puissance : désir de gloire ou réaction de violence physique de Pierre, notamment. Sans doute une lecture un peu plus attentive est-elle requise pour comprendre que, de tous les « forfaits » commis par le Christ, l’acte le plus subversif ou antisocial est son mépris de la mort. Aucun système moral ne peut s’en passer, ni par conséquent de clergé d’aucune sorte, chargé de le faire respecter. Bien que la loi naturelle vise le meilleur équilibre politique ou social, elle recèle une pulsion macabre.

    On fait croire à l’individu dans un tel système qu’il est un sujet de droit, à travers diverses manifestations mystiques, alors qu'il n'y a, en droit, que des objets. Ce tour de passe-passe est certainement le biais par où l'anthropologie et la puissance publique s'érodent le plus.

    Si le diagnostic de Nietzsche est juste d'un christianisme opérant un renversement des effets de la puissance publique, en revanche l'étude psychologique du christianisme, qui ne l'est pas du tout, lui fait commettre un certain nombre d'erreurs d'appréciation. Ainsi il n'y a pas de volonté de destruction du monde à proprement parler dans le christianisme ou l'anarchie, mais l’effort pour s’en affranchir. Du moins en ce qui concerne l’anarchie, il faut être assez naïf comme Ben Laden pour ne pas voir que sa tactique est utopique, propre à servir autant au renforcement de la puissance qu'à l'anéantir.

    Prolongeant ultérieurement ce dialogue, nous verrons comment la religion de paysan de F. Nietzsche a pu s’imposer dans le monde moderne capitaliste, largement coupé de la nature.

  • Science ou Magie?

     

     

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    Par Télémax, paru dans  Au Trou !? n°18

     Notre propos est ici de remettre en question la fable libérale ou républicaine d'une science moderne appuyée principalement sur la raison et le scepticisme. En partant d'un essai consacré à Francis Bacon Verulam, présumé « père fondateur de la science moderne », par Mickaël Popelard (PUF, 2010).

    Cet ouvrage a le mérite d'attirer l'attention sur un savant anglais méconnu en France, dont il n'est pas aisé de se procurer les bouquins en librairie, ni même en bibliothèque. Cependant le Popelard comporte de nombreux manques et approximations.

    Ainsi on ne trouvera pas de réponse claire à ce que les thésards spécialistes de Bacon présentent le plus souvent comme le paradoxe, voire l'énigme suivante : comment se fait-il que Bacon soit répertorié parmi les savants qui sont censés avoir donné l’impulsion décisive à la science moderne au début du XVIIe siècle, alors même que sa méthode scientifique contredit complètement les principes actuels de la science ? Pour ne donner qu'un seul exemple, la démarche est consacrée aujourd’hui de « l'hypothèse » en science ; en raison de sa parenté avec le syllogisme et le légalisme mathématique, F. Bacon la récuse comme une approche plus religieuse que scientifique de la nature. Si bien que la critique drastique de la science scolastique médiévale par Bacon, pourrait être reprise exactement dans les mêmes termes afin de critiquer la science dite « moderne ».

    - Un élément significatif permet de mieux comprendre le fossé entre Bacon et le congrès mondial des savants du XXIe siècle. Tandis que l'universalité de la science tient d’abord aujourd'hui au langage mathématique commun, c'est-à-dire à l'outil scientifique, en revanche c'est l'objet de la science lui-même qui est universel aux yeux de Bacon ; à tel point qu'il regarde la mythologie comme le moyen le plus sûr pour véhiculer ou conserver la connaissance scientifique à travers les âges, la faire partager au plus grand nombre, et non seulement à une élite scientifique. Il discerne par exemple à travers les mythes de Protée ou Cupidon, un propos ayant trait à la matière ou à la physique atomique.

    Autrement dit, Bacon oppose l'imaginaire scientifique aux spéculations mathématico-juridiques médiévales. Ce sont pour le savant anglais les spéculations et les hypothèses qui s'éloignent le plus de l'expérience scientifique, non l'imagination. En ça il est le savant le plus typique de la Renaissance, époque où se manifeste la même volonté dans les arts de rompre avec l'existentialisme médiéval (notamment avec l'hypothèse du purgatoire) ; les meilleurs humanistes de la Renaissance cherchent à renouer avec le rapport de l'homme, non plus au destin, collectif ou personnel, mais au cosmos. L'effort est constant de la part des penseurs matérialistes les plus sérieux depuis l’Antiquité, et perpétué par Bacon, pour ne pas appliquer au cosmos lui-même une fonction mécanique.

    - Un détail, interprété à la va-vite, peut inciter à voir en Bacon l'ancêtre de l'ingénieur moderne. Son anticipation dans un ouvrage à vocation mythologique, « La Nouvelle Atlantide », de toutes les avancées modernes dans le domaine de l'ingénierie : avion, réfrigération, radio, télévision, etc. Mais il est bien net par ailleurs que Bacon n'assigne à la technique et aux arts libéraux, dont on peut se demander s'ils ne sont pas les moteurs principaux de l'anthropologie ou de la culture modernes, qu'une place subalterne :

    « Mécaniciens, mathématiciens, médecins, alchimistes et magiciens se mêlent de pénétrer la nature (au niveau des oeuvres) : mais tous (en l’état actuel) sans grand effort et pour un succès médiocre. » écrit Bacon dans son « Novum Organum ».

    Le fait même d'anticiper tout un tas d'inventions avec brio est une façon de les situer dans le domaine des opérations et œuvres possibles, secondaires aux yeux de cet humaniste, dont la science vise l'impossible, comme si c’était le penchant le plus naturel de l'homme, du moins le seul dont l’humanité puisse attendre le progrès.

    Les choses possibles sont prévisibles, nous dit Bacon ; il n'y a donc pas grand mérite pour l'homme, par conséquent, à n’accomplir que les choses possibles.

    Il n'y a donc pas lieu comme fait Popelard d'introniser Bacon plus ou moins le « saint patron des ingénieurs ». Encore moins, comme certains philosophes existentialistes allemands, tels Horkheimer ou Adorno, de lui reprocher d'avoir joué un rôle déterminant dans le culte du machinisme ou des technologies. C’est même l’hôpital qui se moque de la charité, sachant la vocation de l’existentialisme à cautionner des régimes politiques industriels ou mercantiles. Si Marx s’est appuyé sur Bacon, c’est principalement en raison de la dévaluation de la politique au profit de la science qu’il opère.

    On conçoit aisément que, si Bacon a pu prévoir toutes ces inventions technologiques ultérieures, il était lucide sur les aspects dommageables de la technique pour l'homme, dommages qu'il n'envisage pas comme une fatalité. La subordination à des fins spirituelles de la technique est même le meilleur moyen pour lui d'éviter le détournement de la puissance par la philosophie morale ou politique, sa pente à cultiver la puissance pour elle-même, dont Bacon est parfaitement conscient.

    Bacon est le dernier humaniste de la Renaissance à ouvrir la voie à l'art religieux de la mise en abyme, dont le culte de l'identité, sorte « d'autofiction pour les nuls », paraît la queue de poisson ; « autofiction » dont les inégalités sociales suffisent pour discerner le caractère de supercherie cléricale.

    En outre Bacon ne souscrit pratiquement à aucune des théories scientifiques qui font autorité aujourd'hui : ni l'héliocentrisme copernicien qu’il combat, ni l'atomisme et sa quête des particules élémentaires à l'infini. Peu ou prou, la seule science où Bacon est accordé avec le savoir moderne est la dérive des continents, pour la simple et bonne raison que Bacon est le premier à faire l'observation de l'apparence de puzzle de la mappemonde.

     

    Ajoutons pour souligner le fossé qui sépare le progrès selon Bacon du progressisme scientifique actuel, que cet humaniste tient l’Antiquité pour une époque plus « neuve » que la nôtre, et incite à regarder donc les « temps modernes » comme étant plus antiques.

    Le reproche qu'on peut faire à la thèse de Popelard, c'est de voir Bacon à travers le prisme de l'anthropologie, qui consiste à ne retenir de la science de Bacon que les éléments qui s'accordent ou paraissent superficiellement s'accorder avec le discours de la méthode ou les principes actuels.

    C'est un procédé plus psychologique que scientifique. Il laisse entrevoir la vocation rhétorique ou de justification de l'anthropologie, dont le moyen âge, selon Bacon, a fourbi les armes et que la dévotion républicaine reproduit ; une forme de confort intellectuel dangereux.

    Dans cette perspective rétroactive, les différences essentielles entre la science de Descartes et celle de Bacon sont, par exemple, effacées par les historiens modernes de la science (Voltaire lui-même n’a pas vu qu’il y avait bien plus d’armes contre Descartes dans Bacon que dans Newton, dont les élucubrations religieuses auraient dû l’inciter à se méfier.)

    Un chapitre dans la thèse de Popelard, consacré aux rapports de la science et de la magie, lance le lecteur sur une piste plus intéressante. Dans le but de restaurer la science, Bacon pioche dans toutes les disciplines, sans tabou, et élague de même. Sans exclure les travaux des alchimistes, qui posèrent les bases de la chimie moderne, tel le moine homonyme Roger Bacon, qui retrouva le procédé de fabrication de la poudre explosive : « Cependant, il ne faut pas nier que les alchimistes aient fait bien des découvertes et qu'ils aient enrichi les hommes d'inventions utiles... » Novum Organum »)

    De tels alchimistes se contentaient le plus souvent de la découverte de recettes efficaces, de façon empirique, sans se soucier le plus de tirer avantage de leurs recherches pour une élucidation plus approfondie du monde. La chimie moderne vise de la même manière la plus grande efficacité, impressionne par les armes puissantes qu'elle procure, comme les alchimistes pouvaient être craints à cause de leur maîtrise de certaines substances ou forces naturelles.

    Les équations d'Einstein, schématisant à peu près le mécanisme de l'énergie, n'ont pas de valeur opérative en science physique : elles ne permettent pas, bien sûr, de créer de l'énergie à partir de rien, ni d'augmenter la puissance explosive ; et dans le domaine de l'élucidation des causes ou de la cause première, elles n’ouvrent que sur les hypothèses les plus hypothétiques et les moins expérimentales, à des milliards d'années voire des « années-lumière » de nous. De telles explications mathématiques « sui generis », certains magiciens-astrologues de la Renaissance, tel le mage John Dee, en faveur auprès de la reine Elisabeth Ire, en donnaient déjà, prêtant aux valeurs numériques le caractère divin ou idéal. Un tel penchant se retrouve aujourd'hui chez certains anthropologues, spécialistes des langages humains, qui confèrent à ces outils une valeur quasiment mystique. Voire des adeptes de tel folklore ou langage tombés en désuétude, qui voudraient les faire renaître de leurs cendres.

    Dans la conscience du public moderne, les formules et équations mathématiques revêtent le même caractère incantatoire que les formules de certains magiciens pour convoquer telle ou telle force surnaturelle revêtaient au moyen âge.

    M. Popelard se préoccupe seulement de la magie dans la science de Bacon ou celle de la Renaissance ; mais qu’en est-il aujourd’hui, dans un temps que les plus béats n’hésitent pas à qualifier de « post-modernes » ?